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J’ai le plaisir d’avoir enregistré un podcast avec Jay Sétra des Rôlistes dans la Cave, Mélanie de Savon et Gaël Sacré à propos de création de JdR, mais avec tellement de digressions qu’au final il y a plus de choses dedans que l’on pourrait s’y attendre (c’est un vrai Kinder Surprise).

On y parle entre autre de GNS, de Lars Von Trier et de Pierre Bourdieu. :D

C’est par ici :
http://desrolistesdanslacave.fr/podcast-012-la-creation-de-jdr/

Dans cet article, je vous propose d’analyser les tenants et aboutissants de la démarche créative simulationniste à travers les particularités de Prosopopée.

Pour rappel : une démarche créative est la manière selon laquelle les participants d’une partie de JDR prennent plaisir ensemble et mettent en œuvre une manière de jouer en phase avec le plaisir recherché. Les trois démarches identifiées par Ron Edwards sont appelées le ludisme (ou Gamism), le narrativisme et le simulationnisme.

On dit qu’un jeu « soutient » une démarche créative dans la mesure où ses règles, son univers et sa création de personnages et de situations encouragent à une certaine démarche créative, sans pour autant pouvoir la garantir. Le jeu n’enferme pas les joueurs dans une démarche créative, il les invite à l’explorer.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire Le GNS est un outil ou le chapitre consacré aux démarches créatives dans l’article de Christoph Boeckle.

J’affirme que la démarche créative soutenue par Prosopopée est le simulationnisme et voici pourquoi.

1) Narrativisme et simulationnisme

La principale confusion que l’on fait au sujet de Prosopopée, c’est de considérer qu’il soutient une démarche narrativiste, je vais donc me concentrer sur les différences entre les démarches narrativiste et simulationniste.

La démarche narrativiste consiste à créer ensemble une histoire sur le moment (le sous titre du narrativisme est Story now en anglais : L’histoire maintenant). Le point central de cette démarche, est le sens moral et éthique donné aux actes des personnages. Pour qu’un acte ait du sens, il faut qu’il ait été librement choisi par le joueur (éventuellement, parmi plusieurs choix possibles) à partir d’une situation où aucun choix proposé n’est strictement meilleur que l’autre et que chaque choix implique une perte. De plus, il faut que l’histoire même se développe à partir des conséquences de ces actes. Si les actes des personnages engendrent l’histoire, chaque choix est important.

Les situations jouées sont toujours problématiques dans la mesure où il n’y a pas de « meilleure » solution ou même de « bonne » solution. Elles interrogent les participants (ce que l’on appelle la prémisse : la question que pose une histoire au sens dramaturgique ; et à laquelle les protagonistes de l’histoire répondront par leurs actes.1) et les personnages y répondent par leurs actes. Les actes expriment les valeurs morales de son personnage : la réponse aux questions posées. Les participants seront ainsi amenés à prendre position moralement par rapport aux actes des personnages et à formuler des jugements. C’est là le cœur de la démarche narrativiste. (Plus de précisions dans un article précédent ou dans l’essai de Ron Edwards)

Jouer selon une démarche simulationniste, c’est faire en sorte que le style, la logique et la cohérence de la fiction soient ce qui préoccupe le plus les participants. Cela signifie qu’ils développeront un cadre appelé canon esthétique et qu’ils chercheront à dire des choses qui séduiront leurs partenaires de jeu, en étayant les éléments de ce canon sans jamais le transgresser.

Jouer simulationniste, c’est célébrer le canon de la fiction, c’est-à-dire produire un ensemble d’images et d’événements fictifs conformes aux attentes et aux exigences des participants et y prendre plaisir. Les participants établiront préalablement et au fil de la partie, des limites à leur cadre, en des proportions très variables selon les tables et les jeux.

Le cœur des parties simulationnistes se situe dans les interstices : le cadre défini avant de jouer étant par définition incomplet, les participants le développent généralement dans des directions inattendues de leurs partenaires. À partir du moment où les participants parviennent à développer efficacement la fiction sans devoir être recadré, on peut dire que le canon est solide. Plus ils peuvent ajouter d’éléments inattendus au cadre initial, plus on peut dire que le canon est élastique. Ron Edwards appelle Constructive denial : Le déni constructif.

Enfin, tout cela passe par le soin de ne pas briser l’illusion de la fiction, ne pas rappeler que tout ceci est imaginaire, d’où le besoin d’éviter d’avoir à recadrer les participations des participants (le sous titre du simulationnisme est The right to dream : Le droit au rêve). 2

1.1) Story now et story before

Si l’on crée une histoire pendant qu’on joue et non avant, c’est forcément narrativiste ?

Non. Une partie durant laquelle on crée l’histoire pendant qu’on joue ne soutient pas nécessairement une démarche narrativiste. Certes, une partie narrativiste n’est pas possible si l’histoire et son déroulement sont déterminées à l’avance (si on utilise un scénario par exemple), mais cela ne veut pas dire qu’on fait du narrativisme à chaque fois que l’on crée l’histoire pendant qu’on joue.

Le fait de créer l’histoire avant la partie est une option possible et valable pour une démarche simulationniste, mais ce n’est pas la seule, ainsi, il est tout à fait envisageable que l’histoire soit créée sur l’instant tout en jouant simulationniste. (Voir ce schéma de Vincent Baker)

De plus, il faut garder à l’esprit que Ron Edwards donne au mot « histoire » dans « Story now », l’idée d’explorer une prémisse. Le « now » implique que la prémisse soit explorée collaborativement, il ne peut donc pas être un exposé que le MJ ferait aux joueurs en gardant le fin mot sur le propos de l’histoire.

Pour faire simple :

  • si l’ensemble des participants créent une histoire pendant la partie en explorant une prémisse, que les joueurs y répondent et que c’est ce qui prime, la partie devrait être narrativiste ;
  • si l’ensemble des participants créent une histoire pendant la partie, mais sans explorer de prémisse, la partie peut être ludiste ou simulationniste ;
  • si une prémisse est amenée dans la partie par un seul participant (généralement le MJ) et y répond lui-même – et que les autres la découvrent sans avoir de prise dessus – la partie peut être ludiste ou simulationniste.

L’histoire générée lors des parties de Prosopopée ne vise pas à explorer une problématique morale (autrement dit : les participants ne répondent pas à une question morale par les actes de leurs personnages).

1.2) Histoire dramatique et Rêve éveillé

Dans Prosopopée, l’histoire en tant qu’intrigue et succession d’actions n’est pas au premier plan. On se focalise d’abord sur les images créées verbalement et sur la construction du monde où se déroule l’histoire ; sa beauté, son étrangeté, sa logique, sa mystique… (le monde étant ici absolument tout ce qui est décrit dans la fiction, jusqu’aux personnages des joueurs eux-mêmes, les codes sociaux etc.). Le moment où le jeu est le plus intense, c’est quand le monde créé, sa beauté et ses mystères deviennent le centre de l’attention. Et que tout les participants partagent ce rêve éveillé.

Tout est fait pour pousser à explorer un rêve éveillé zen et poétique. Aucune règle du jeu, aucun élément de l’univers ou de la création de l’histoire ne pousse les joueurs vers autre chose : il n’y a pas de choix moraux ; l’intrigue suit un schéma relativement simple ; les actions des personnages permettent de révéler le décor, les habitants, leurs problèmes et les solutions.

1.3) L’absence de choix moraux

Quand on résout un problème à Prosopopée, on cherche sa cause. Les problèmes s’organisent de manière hiérarchique, impliquant que certains sont plus proches de la cause de tous les maux et d’autres n’en sont que des symptômes. Les problèmes sont liés à la difficulté des humains à vivre avec la nature (et le monde du surnaturel). Les conséquences des actes des personnages se contentent de rendre la tâche plus difficile et de modifier la compréhension qu’ils ont du problème.

Les histoires explorées au cours de parties narrativistes impliquent l’exploration d’une prémisse. Or, dans Prosopopée, pas de « dois-je poursuivre mon idéal si cela met en danger mes proches ? », ni de « puis-je trahir la confiance que les autres ont en moi pour leur propre bien ? » ou encore « puis-je sacrifier quelques uns pour le bien du plus grand nombre ? ». Les Médiums suivent une quête dont l’objectif est clair et ne changera pas : aider les habitants des villages (et les humains en général) à résoudre les Problèmes qu’ils ont créé dans la nature. Ils n’ont pas à résoudre des dilemmes ou des drames déchirants. Ce but n’est pas remis en question car il est dans la nature même des Médiums de résoudre le déséquilibre et tous les problèmes qu’il provoque.

Si des participants créent des problèmes, ces problèmes sont ceux qui devront être résolus à la fin, donc pas de double enjeux, donc, pas de choix moraux, donc, pas de narrativisme.

2) Le canon esthétique

Le canon esthétique est l’unité stylistique et logique de la fiction produite au cours de parties de jeu de rôle. À la manière d’une peinture, la force de l’harmonie de sa composition, la manière dont les éléments et les couleurs s’agencent peuvent justifier à elles seules son intérêt. La démarche simulationniste fonctionne de la même manière. Cette démarche est également idéale pour l’exploration de mystères du monde, des civilisations, de la structure d’un monde etc. Chaque groupe établit le canon de la fiction qu’il génère en respectant un ensemble de critères et d’exigences communes.

N’importe quel groupe de jeu de rôle constitue un canon plus ou moins large et malléable, et ce, quelle que soit la démarche créative à l’œuvre. Il existe un grand nombre de façons de faire respecter le canon lors de parties de jeu de rôle. Une personne peut en être garante (généralement le MJ) ou chaque participant ; et les moyens explicites ou tacites de réguler les écarts sont variés.

La première spécificité de la démarche simulationniste, c’est qu’il est important d’éviter autant que possible d’avoir à rectifier les interventions des participants pendant la partie, car la solidité du canon y est en soi un motif de plaisir (alors que pour les deux autres démarches créatives, le plaisir se focalise sur d’autres approches de la fiction, donc ce n’est pas gênant de faire des parenthèses pour se mettre d’accord afin d’optimiser l’expérience).

Pour ce faire, le contenu de la fiction et l’intrigue peuvent être en grande partie prévues à l’avance. Les mécaniques du jeu peuvent prédéfinir l’ensemble des possibilités des personnages en simulant la faisabilité et les conséquences de chaque action en fonction de paramètres préétablis ; GURPS, Rolemaster et certaines versions de D&D poussent le bouchon particulièrement loin à ce sujet ; pour jouer narrativiste ou ludiste, de tels partis pris pourraient être accessoires, encombrants, voire franchement incompatibles.

Mais le canon ne joue pas ce seul rôle. Il est également le matériau fondamental avec lequel les participants vont jouer. Tester la résilience du canon – sa résistance aux transgressions et sa capacité à endiguer les violations potentielles à l’unité et à la cohérence de la fiction, mais aussi son élasticité – est le point de focalisation de toute partie simulationniste. Ainsi, la façon dont un joueur va interpréter son personnage et le faire agir, résoudre les problèmes, etc. sont des façons, pour lui, d’enrichir, développer et éprouver le canon ; mais que les joueurs puissent continuer de le faire sans que les autres participants (ou le MJ) n’aient à les recadrer, est de première importance.

Les participants exploitent la proposition créative au mieux quand ils parviennent à séduire, voire aller au delà des attentes des autres participants de par l’originalité de leur contribution au canon, sans le transgresser (pour plus d’information concernant le jeu de séduction entre participants, voir l’article La résistance asymétrique ; j’ai également expliqué le processus à l’œuvre au cœur de Sens hexalogie dans l’article Espaces de créativité).

2.1) Dans Prosopopée

Quasiment aucun élément fictif n’est prévu à l’avance, en dehors du fait que le monde du jeu se situe avant l’aire de l’industrie et de la modernité. Et c’est bien utile dans un jeu où le partage de narration est aussi important.

Les mécaniques du jeu balisent la nature des actions que doivent entreprendre les personnages pour résoudre les problèmes.

L’absence de noms propres permet d’éviter que les participants aient à inventer des noms à la volée pour les PNJ et incite à décrire davantage les choses, le décor et les personnages.

Ensuite, certains joueurs appelés Nuances doivent décrire au début de la partie – en s’inspirant librement d’une image, un objet ou quoi que ce soit d’autre – le lieu principal dans lequel se déroulera l’histoire. Le canon commence à être étayé à ce moment-là.

Ensuite, quand l’histoire commence, à chaque fois qu’un participant aime ce qu’un autre narre, il lui donne un dé d’Offrande (un simple dé, pris d’une réserve située au milieu de la table). Ce don de dés permet de mettre en relief, pour tous les participants, ce que chacun apprécie particulièrement, et donc, ce qu’il attend de la partie. Ce sont les fameux « critères et exigences » qui servent à consolider le canon.

Les participants comprennent donc qu’ils doivent faire un effort pour plaire aux autres afin de récolter ces dés d’Offrande qui leur permettront plus tard de résoudre les problèmes fictifs rencontrés par leurs personnages. Les joueurs sont donc vivement incités à étayer le canon dans le but de séduire et surprendre, ou tout simplement coller aux attentes de leurs partenaires de jeu.

C’est de cette manière que les participants créent, consolident et explorent le canon. Et c’est cela qui est au cœur du jeu.

Il reste une règle importante : à tout moment, un participant peut placer un dé de Problème sur une feuille au milieu de la table. Ce dé de Problème permet de rendre central dans l’histoire, quelque chose qui a été introduit dans la fiction par quelqu’un d’autre et donc de le valoriser en le hissant au statut de Problème.

De plus, cela offre une utilité supplémentaire : celui qui pose le dé de Problème peut l’utiliser d’une autre façon, pour modifier un élément de la fiction qui ne lui plaît pas. Cela évite dans certains cas d’avoir à rectifier une contribution en « négociant » hors de la fiction.

Ainsi, l’on peut préserver le canon et l’explorer à fond sans avoir à interrompre le flot de la fiction.

2.2) L’espace de créativité des joueurs

Dans une partie simulationniste traditionnelle, il est courant que la tâche du MJ soit de révéler le contexte, tandis que les joueurs auront pour tâche de développer ce qui concerne leur personnage, en adéquation avec le reste de la fiction. Les joueurs ont besoin de percevoir le monde comme le percevrait leur personnage (j’en expliquerai les raisons plus tard).

Dans Prosopopée, les joueurs jouent des divinités s’incarnant dans les personnages du tableau qu’elles ont créé. Dès lors, leur perception du monde est plus large que celle d’un humain. Ils peuvent donc à la fois définir les actes, les paroles et l’apparence de leur personnage, mais aussi le monde qui les entourent, puisque c’est eux qui le créent. Cela convient à leur statut divin et permet de justifier le partage de narration (ou espace de créativité) dans la fiction, qui n’est plus seulement une technique de jeu, mais une propriété des personnages incarnés par les joueurs.

Plutôt que de découvrir une histoire et un contexte écrits à l’avance par l’un d’entre eux, les participants découvrent progressivement les idées des autres participants et le suspense persiste du fait de ne pas savoir ce qu’un des autres participants va dire et ainsi, orienter l’histoire dans une direction inattendue.

Pendant les parties de Prosopopée, les joueurs mettent le maximum de leur énergie à développer collaborativement le canon de la fiction entière : le contenu (personnages, décor etc.) et pourquoi les choses vont comme elles vont ; par exemple :

3) Ne jamais regarder derrière le voile

Pour que le rêve s’épanouisse, les participants ne doivent jamais regarder derrière le voile ; cela signifie plusieurs choses :

  1. il faut sortir le moins possible de la fiction ;
  2. les techniques d’illusionnisme (la manière dont le MJ s’arrange pour dissimuler certaines pratiques ou choix qu’il fait, notamment pour faire respecter le scénario qu’il a préparé) doivent être aussi discrètes que possible ;
  3. les phénomènes sociaux (interpersonnels) gagnent à être maquillés pour se fondre dans la fiction ;
  4. il vaut mieux éviter les techniques qui ne sont pas justifiées par la fiction, qui n’y trouvent pas leur cause.

Concernant le point 1, considérez que les rectifications, les explications des règles, les mises au point et discussions extérieures à la fictions devraient être réduites à leur pure nécessité, ce qui n’est pas vrai pour les autres démarches créatives : une partie narrativiste, par exemple, gagnera à ce que les participants se posent des questions les uns aux autres, se fassent des suggestions, expriment leur jugements etc.

Concernant le point 2, dans le cas où un MJ veut cacher certaines de ses pratiques aux joueurs, notamment leur faire croire qu’ils ont une prise sur l’histoire, qu’ils sont libres d’agir à leur guise et que leurs actes ont de l’importance, alors que c’est le MJ qui contrôle secrètement tout cela. Ceci ne peut fonctionner que dans le cadre d’une démarche simulationniste (Sens de Romaric Briand en est un bon exemple), mais n’est absolument pas nécessaire aux parties simulationnistes.

Concernant le point 3, les livres et les groupes proposant des parties simulationnistes oublient volontairement l’existence des personnes autour de la table de jeu de rôle. L’oubli devient parfois délétère, car il empêche la démarche créative de s’exprimer. En effet, le jeu de rôle fonctionne sur des interactions entre individus ; les groupes où les participants prennent du plaisir sans le manifester ni le partager aux autres sont les plus fragiles, en particulier lorsque cela est encouragé par le jeu. Quand les joueurs ont appris le jeu de rôle ensemble, se connaissent par cœur et jouent ensemble de longue date, il est possible que la connivence et la communication non-verbale suffisent à harmoniser les attentes de chacun et à faire connaître le plaisir que l’on prend.

Ce point mérite que l’on s’y attarde. L’idéal, c’est d’intégrer dans les règles du jeu des moyens de faire connaître les attentes et les exigences de chacun et de permettre d’exprimer le plaisir que l’on prend. Le don de dés d’Offrande de Prosopopée permet d’exprimer le jugement et le plaisir pris par les participants sans toutefois interrompre la fiction, en glissant un dé vers la personne en train de parler. Je vous renvoie également vers mon article Espaces de créativité pour la description du processus à l’œuvre dans Sens Hexalogie.

Concernant le point 4, le fait de devoir justifier les techniques dans la fiction et d’y trouver leurs causes ne veut nullement dire qu’il ne faut pas lancer de dés ou calculer de scores, mais que le fait de lancer les dés et de manipuler des ressources chiffrées ou autres doit être justifié par la fiction.

Dans Prosopopée, le don de dés d’Offrande est justifié comme une Offrande que se font les divinités qui peignent le Tableau. J’ai créé l’ensemble des mécaniques de résolution et de création de Problèmes en veillant à ne pas enfreindre ce point.

Une idée répandue voudrait que plus une technique ou manière de jouer serait intuitive pour un participant et plus elle paraîtrait adaptée à la démarche simulationniste. Je pense qu’il ne s’agit en réalité que d’une question d’habitude. Quand on s’habitue à une technique, elle se fait oublier plus facilement. Appréhender une technique nouvelle demande fatalement plus d’efforts.

3.1) La difficulté du simulationnisme

Le fait de ne jamais regarder derrière le voile crée une difficulté : les attentes et exigences des participants s’harmonisent difficilement si on n’en parle pas. Le fait d’en parler hors des parties est également difficile dans le cas où le MJ utilise des techniques d’illusionnisme. Et le fait, en tant que joueur, de ne pas exprimer son avis ni son ressenti empêche d’aligner attentes et exigences et ne permet pas de canaliser les frustrations.

C’est pourquoi les groupes constitués de personnes d’horizons différents, avec des habitudes différentes pourront avoir du mal à jouer convenablement ensemble, notamment si les détails du fonctionnement des parties n’est pas expliqué.

Je vous conseille de réfléchir à ce point.

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Cet article était pour moi l’occasion de creuser la démarche simulationniste, très peu approfondie par chez nous et souvent galvaudée, tout en démontrant de quelle manière Prosopopée s’y inscrivait. Si des questions subsistent, n’hésitez pas à les poser en commentaire.

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Discussions antérieures à ce sujet sur Silentdrift :

1Voir premise dans le « Provisional glossary » ainsi que le chapitre consacré aux prémisses dans l’article Narrativism : Story Now de Ron Edwards.

2 Plus de précisions dans l’essai de Ron Edwards

Suite à l’article de Romaric au sujet du « narrativisme », je vous propose une courte définition de mon cru (courte car il faudrait un essai complet pour en faire le tour), synthétisée après de nombreuses lectures de Ron Edwards, Vincent Baker, Eero Tuovinen, Ben Lehman, Christoph Boeckle etc.

Le narrativisme est une manière de prendre plaisir durant une partie de JDR impliquant que tous les participants acceptent de pratiquer la même démarche (sans quoi, pas de narrativisme).

Une démarche narrativiste signifie tirer son plaisir pendant la partie des positionnements pris par les joueurs concernant la fiction et des conséquences (toujours fictives) qui en découlent.
On y compare les valeurs d’un personnage, exprimées par ses actes, aux nôtres (comme on le ferait avec certains films et certains romans, BD etc.).

Pour favoriser cette manière de jouer, on aura besoin de situations où aucun choix n’est, dans l’absolu, meilleur qu’un autre et que l’histoire ne soit pas complètement écrite à l’avance, pour permettre d’explorer les conséquences des choix des joueurs (ce que l’on appelle « story now »).

Le fait que les conséquences des actes des personnages ne soient pas prévues permet de donner du poids au sens qu’ils vont prendre pendant la partie, puisque le joueur était libre de choisir telle ou telle issue. Par ex : le joueur choisit de sauver son frère au lieu de le punir pour ses péchés (situation type de Dogs in the vineyard*), nous avons à présent tout l’espace nécessaire pour voir si le frère ne va pas sombrer dans une déchéance pire que ce que le châtiment des PJ aurait pu produire, et se demander : n’aurait-il pas mieux valu le mettre en prison comme le proposait un autre joueur ? Oui, mais qu’aurais-je pensé de mon personnage si j’avais fait ce choix ? Et comment l’aurais-je pris si cela m’arrivait à moi-même, dans la vraie vie ?

* Je tiens à préciser qu’il ne s’agit que d’un exemple qui ne saurait tenir compte du vaste champ d’histoires jouables dans cette démarche créative. Le nombre d’histoires possibles et de choix à portée morale est immense et tout à fait insoupçonnable.

Les conflits sont les nœuds d’une partie narrativiste car ils sont les moments charnières entre le positionnement (comment je choisis de faire agir mon personnage) et les conséquences des actes.

Un jeu qui cherche à soutenir une telle démarche devra permettre de créer des situations posant des choix de ce type, proposant des mécaniques de résolution confrontant les joueurs aux choix moraux. Enfin, le jeu doit faire en sorte que le déroulement de l’histoire ne soit pas complètement prévu à l’avance.

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Cette explication m’est imputable en grande partie, tout comme ses éventuelles approximations.

Toute question est bienvenue.