Action : les joueurs sont-ils libres de suivre les objectifs et de défendre les causes de leur choix, ou bien sont-ils contraints par le jeu ou par le scénario ? Dans Démiurges, le MJ prépare les enjeux initiaux de la partie, sans prévoir comment les événements vont les faire évoluer. Cependant, en campagne, les joueurs choisissent le fil conducteur sous la forme d’un “but commun” et décident de la transition entre chaque parties, ce qui leur donne une prise importante sur l’évolution de l’histoire. Une fois les enjeux du Canevas révélés, les joueurs sont parfaitement libres : les PJ peuvent prendre le parti de n’importe quel PNJ et s’opposer entre-eux jusqu’à éventuellement devenir antagonistes.
Focus : la répartition de la parole entre les participants est elle contrainte ou formalisée ? Dans Démiurges, les joueurs peuvent prendre la parole et intervenir n’importe quand dès lors que leur personnage est présent dans la scène. Si un PJ n’est pas présent, son joueur peut l’y intégrer. Il n’y a pas de répartition formalisée du temps de parole par un découpage de scènes ni de “coups de projecteurs” sur un PJ à la fois, par exemple.
Espace : les PJ sont-ils contraints dans leurs déplacements, de façon avouée ou non ? Les huis-clos ou les points de passage obligés sont une forme de contrainte spatiale. Dans Démiurges, les joueurs ne sont pas contraints dans leurs déplacements. Les enjeux et révélations importantes préparées par le MJ sont entre les mains des PNJ. Ainsi, si un PJ s’enfuit et quitte la ville, les PNJ ont des raisons de le retrouver et de le maintenir au cœur des conflits. Cela dit, les PNJ en question gravitent autour d’un lieu principal, si un PJ le quitte, les autres lieux devront être créés au pied levé par le MJ.
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Voir cette article pour aller plus loin :
Je vous propose un élément d’aide à la structuration de JDR et de parties. Je distingue trois dimensions importantes dans la composition d’un jeu responsables de l’unité d’une partie et de son histoire :
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L’Action
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Le Focus
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L’Espace
Mon parti pris, c’est de dire que l’on ne peut pas proposer de liberté absolue sur ces trois dimensions à la fois : si l’on veut laisser plus de liberté sur l’une, il faut contraindre les autres.
Si l’on considère que l’un des défis de jouer ensemble à un jeu de rôle, c’est de permettre à chacun de s’intéresser à ce que font les autres, ces trois dimensions me paraissent fondamentales.
Je vous propose de définir ces trois dimensions :
L’Action
Je définis l’Action au sens dramatique ; en jeu de rôle ce sont les techniques concernant les actes des personnages, mais aussi leurs objectifs et motivations, la manière dont cela est introduit dans la partie.
Une contrainte d’Action fera en sorte, par exemple, que les joueurs suivent tous le même objectif avec possibilité ou non de leur permettre d’en dévier. Les éventuels objectifs secondaires sont généralement des contretemps pour les autres participants et gagnent donc à être évités.
Le fait de rester groupés constitue une contrainte d’Action forte, présente dans beaucoup de pratiques des JDR mainstream. Souvent, les campagnes jouées alternent entre des phases de contrainte d’Action et des phases plus libres où les joueurs ont tout loisir de s’occuper de questions annexes et personnelles.
Une liberté d’Action permet aux joueurs assis à la même table de jouer des trames dissociées les unes des autres. Dans la majeure partie des cas, dans un soucis d’unité, les histoires se recouperont à un moment ou l’autre de la partie jouée, mais il existe des techniques permettant de ne pas avoir à s’en soucier (voir Polaris dans le tableau d’exemples).
Cette dimension propose de prendre en compte le fait qu’on s’intéresse davantage aux histoires des autres si elles sont liées à la nôtre et forment un tout cohérent.
Dans le cas contraire, il est important que les joueurs désolidarisés puissent interagir avec le joueur actant (dont les actes construisent ou font avancer l’histoire) y compris si leurs PJ ne sont pas présents.
Le Focus
Le Focus est la manière dont la parole est répartie entre les participants, donnant le devant de la scène ou « temps d’antenne » à certains joueurs ou d’autres.
Une contrainte de Focus proposerait par exemple d’organiser la partie en scènes successives, centrant chaque scène sur un des PJ, lui donnant un « temps d’antenne ». Généralement chaque joueur peut intervenir dans une scène qui ne se focalise pas sur lui. Une variante consiste à scinder le temps de parole en « narrations » pour les jeux où la posture de Metteur en scène (voir Director Stance) est importante.
Une liberté de Focus permet généralement à tous les joueurs d’intervenir à tout moment (généralement quand la situation fictive le permet). Dès lors que les PJ sont séparés, généralement une technique de découpage du temps de jeu est mise en place pour éviter une attente trop longue. Souvent, le MJ régule de lui-même la répartition de la parole.
Cette dimension pose la question de la manière dont la participation de chacun est régulée ou non, mais aussi de la mise au devant de la scène d’un personnage à la fois, de tout un groupe, ou simplement des joueurs les plus entreprenants.
La liberté de Focus tend à privilégier les joueurs prolixes, proactifs.
Les contraintes de Focus proposent de donner un temps d’antenne à tous les PJ et donc à tous les joueurs.
L’Espace
L’Espace concerne la mobilité des PJ, leur liberté de mouvement.
Une contrainte d’Espace tend à fortement localiser les enjeux d’une partie dans un village, une maison, une île etc. Un scénario présentant une succession de lieux qui sont des passages obligés utilise une contrainte d’Espace. Parfois, il est (quasi) impossible de s’échapper du lieu de l’histoire, notamment durant les parties où les joueurs seraient tentés de faire fuir leurs PJ assez rapidement (histoires d’horreur notamment).
Une liberté d’Espace laisse toute latitude aux joueurs de faire voyager leurs personnages dans les directions qu’ils souhaitent, comme de rester sur le même lieu si c’est ce qu’ils désirent.
Cette dimension nous interpelle sur le fait que la liberté n’est pas toujours bonne :
De manière générale, une liberté de mouvement totale implique que les séparations de PJ peuvent compliquer la gestion du jeu, la longue distance devenant parfois un obstacle lorsque les joueurs tentent de se retrouver. Il n’est pas toujours aisé de faire collaborer un groupe de joueur qui possède une pleine liberté d’Espace.
Limiter la liberté de mouvement des PJ permet de les réunir facilement en règle générale et donc de leur faire partager des scènes en commun plus facilement.
Application
Si l’on veut donner une liberté importante dans une dimension, il faut contraindre les autres. En effet, un jeu où les joueurs ont chacun un objectif différent, peuvent aller où il le souhaitent librement sans structurer la répartition de la parole, prend le risque de tourner rapidement à une succession de bribes d’histoires sans liens, avec des temps de jeu long sans aucune interaction entre les PJ, avec beaucoup de moments où les joueurs vont quitter la table quand ce n’est pas leur tour de jouer, voire cela peut se transformer en combat pour avoir la parole entre les participants.
Pour finir, voici une liste de jeux et l’agencement de leurs trois dimensions :
Jeu | Action | Focus | Espace |
---|---|---|---|
Dogs in the Vineyard de Vincent Baker | Contrainte avec liberté d’évolution : les PJ ont pour mission de traquer le péché dans les villages qui leurs sont assignés. Les situations n’étant jamais blanches ou noires, ils sont parfois amenés à dévier de leur but premier |
Libre :
il n’y a pas de répartition de la parole ou du temps d’antenne, les joueurs peuvent intervenir quand ils le désirent |
Contraint :
chaque partie se déroule dans une ville ou un village dans lesquels le MJ a placé des problèmes à résoudre ; les PJ sont responsables du devenir de ce village et des sanctions peuvent être appliquées s’ils font preuve de négligence |
Innommable de Christoph Boeckle (version 008) | Contrainte avec liberté d’évolution :
au départ, les personnages sont généralement juste au mauvais endroit au mauvais moment, mais rapidement, ils devront défaire la menace et ceux qui profitent de son pouvoir occulte ; cependant, les joueurs peuvent rapidement appréhender la situation à leur façon et décider d’aller aider les forces obscures |
Libre :
il n’y a pas de répartition de la parole ou du temps d’antenne, les joueurs peuvent intervenir quand ils le désirent |
Contraint :
le lieu dans lequel va se dérouler l’histoire (souvent à huis clos) est décidé à l’avance par le MJ et le seul moyen de s’enfuir implique de ne plus pouvoir jouer son personnage |
Bienvenue à Poudlard, un de mes jeux (version de novembre 2011) | Libre :
les joueurs possèdent chacun plusieurs objectifs personnels sans forcément de liens les uns avec les autres, l’amitié entre les PJ invite à participer aux objectifs des autres ; le MJ de son côté amène une intrigue d’arrière plan par séquences |
Contraint :
les scènes sont centrées sur chaque joueur l’un après l’autre ; quand ils en ont chacun joué une portant sur un objectif personnel, le MJ en lance une à son tour concernant l’intrigue d’arrière plan |
Contraint :
les PJ évoluent dans l’école de sorcellerie Poudlard principalement et ne peuvent en sortir que de façon occasionnelle dans des lieux précis (sorties scolaires, vacances etc.) |
Les Cordes Sensibles, un de mes jeux (version de novembre 2011) | Contrainte :
chaque personnage possède un objectif sous forme d’un problème personnel à résoudre |
Contraint :
chaque scène est tour à tour centrée sur un PJ différent, parfois cadrées par le joueur lui-même d’autres fois par un autre participant devenant MJ intérimaire ; le jeu assume le fait de jouer autant d’histoires que de PJ, qui ne se rencontrent qu’occasionnellement, en permettant à tous les participants de jouer dans les scènes des autres, y compris quand leurs PJ n’y sont pas présents |
Libre :
il n’y a pas de contrainte concernant les déplacements des PJ |
Polaris chivalric tragedy at the utmost north de Ben Lehman | Libre :
les chevaliers ont le devoir de protéger leur peuple, mais les véritables enjeux portent souvent sur des choses bien différentes (bien que |
Cas particulier (contraint) :
le jeu est découpé en scènes ; les PJ ne sont pas spécialement voués à se rencontrer bien que cela puisse arriver ; en effet, lorsqu’une scène porte sur un PJ, les autres joueurs jouent des PNJ en fonction de rôles spécifiques |
Libre :
la majeure partie du jeu se déroule généralement au pôle, dans les vestiges de leur cité, mais les PJ peuvent tout à fait voyager jusque dans des contrées lointaines, le fait que les PJ n’aient pas besoin d’œuvrer ensemble facilite grandement l’exploitation de cette liberté d’Espace |
Sens Renaissance de Romaric Briand | Contrainte :
les PJ mènent des actions avec la résistance contre le tyran et son empire ; les enjeux personnels sont joués en dehors des parties groupées ; parfois les joueurs décident de faire changer leurs PJ de camp, ce qui, semblerait-il, peut poser problème |
Libre :
il n’y a pas de répartition de la parole ou du temps d’antenne, les joueurs peuvent intervenir quand ils le désirent ; il sera cependant souvent bénéfique que les joueurs restent groupés durant les scènes importantes |
Contraint :
le MJ prévoit généralement à l’avance les lieux où doivent se rendre les PJ ; il arrive souvent qu’il y ait des déplacements individuels, mais rarement à grande distance |
Prosopopée, un de mes jeux | Contrainte :
les PJ doivent trouver les causes du déséquilibre du monde et le résoudre ; ils peuvent passer par de nombreux chemins détournés pour ce faire |
Contraint :
la prise de parole est structurée en « narrations », où chaque participant construit la fiction, puis laisse un autre s’exprimer ; chaque narration est exclusive en dehors des dialogues, ce qui régule la prise de parole des participants afin de laisser à chacun la possibilité de s’exprimer et de prendre part à l’Exploration |
Libre :
les causes d’un problème pouvant prendre racine dans des endroits très éloignés et les PJ cherchant tous la même chose, ils n’ont pas besoin d’être présents aux mêmes endroits pour accomplir leur but ni pour s’entraider ; la magie du monde et sa mystique jouent beaucoup sur ce point |
Breaking the ice d’Emily Care Boss | Contrainte :
le but général du jeu consiste à jouer des premiers rendez-vous d’un couple en devenir, les enjeux tournent en grande partie autour de la séduction bien que cela puisse revêtir différentes formes et se faire de milles manières |
Cas particulier (Contraint) :
le fait que le jeu ne se joue qu’à deux et se centre sur la relation entre les deux personnage rend caduque toute considération de liberté de Focus ; le jeu est structuré en alternance de scènes cadrées tour à tour par l’un puis l’autre des joueurs |
Libre :
les scènes peuvent se dérouler n’importe où, tout voyage est possible ; généralement les deux protagonistes seront ensemble |
S/lay w/me de Ron Edwards | Contrainte :
le joueur choisit un objectif, le MJ lui oppose une créature contre laquelle il doit se battre et intègre dans l’histoire une amante, avec laquelle peut se tisser une romance ; les trois enjeux se rejoignent généralement (la créature menace l’amante, constitue un obstacle pour atteindre son objectif etc.) |
Cas particulier (Contraint) :
le jeu se jouant à deux : un MJ et un joueur, il n’est pas nécessaire de structurer la focalisation ; cependant, le jeu est structuré en « Go » qui consistent en une alternance de scènes du MJ avec des scènes du joueur |
Contraint :
on définit le lieu où va se dérouler l’histoire avant la partie et l’on s’y contraint ; cependant, les lieux en question peuvent être vastes |
Si vous souhaitez discuter plus avant des trois dimensions, laissez un message.
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