Le JDR est synesthésie !
Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qui se produisait entre le joueur et son personnage ?
Synesthésie : trouble sensoriel caractérisé par le fait qu’un seul stimulus entraîne deux perceptions, dont une à distance du point du corps sur lequel le stimulus agit.
En JDR, j’emploierai ce mot pour définir la correspondance entre les enjeux fictifs du personnage et les enjeux ludiques du joueur.
J’avais appelé cela « latéralité » dans quelques threads, pensant que ça désignait plus que le fait d’être droitier ou gaucher… raté ! Synesthésie, Parallélisme ou Correspondance sont des termes bien plus appropriés.
L’acteur de théâtre n’a pas besoin de partager les enjeux de son personnage, il doit simplement exprimer, être à la place de, voire simuler. Le comédien peut fasciner par l’illusion créée, mais généralement, il puise dans son propre vécu pour ressentir et exprimer au mieux (et quand son rôle est un miroir pour lui-même, alors le phénomène peut parasiter ou stimuler la qualité de son interprétation, il y a alors un véritable jeu de rôle qui se produit). C’est le travail de toute une vie.
Généralement, les rôlistes, n’ayant pas le niveau de travail d’un acteur et devant improviser leurs prestations, sont de piètres comédiens, et c’est tant mieux, car ce n’est pas ce qui fait l’intérêt de leur activité. Si l’on devait donner l’illusion que ce qui se produit est réel, on ne ferait que du GN, voire des films. Nous ne cherchons qu’à stimuler notre imaginaire, pas à le substituer.
– Tout est question d’enjeux –
Faire semblant d’être un elfe ou jedi, ça n’a que peu d’intérêt et ça nous lasserait vite de jouer comme on le faisait gamins dans la cour de l’école à se prendre pour un chevalier du zodiaque, si le fait d’investir le rôle centré sur les enjeux du personnage ne produisait pas des enjeux également pour le joueur. L’exemple classique, c’est : si mon PJ meurt, je n’ai plus le droit de le jouer. Ainsi, un danger de mort sera souvent un enjeu fort pour le personnage et suscitera immanquablement l’intérêt du joueur, car l’enjeu fictif du personnage (survivre) sera transposé en enjeu ludique pour le joueur (conserver son personnage).
Et l’essentiel de l’intérêt du « jeu » rôlistique, c’est qu’il produit une synesthésie. C’est un jeu au sens de « éprouver » et non un jeu distractif (cela est plus ou moins vrai selon les façons de jouer, mais je pense que pour tous les rôlistes qui pratiquent « ce qu’on appelle le JDR », la fiction est davantage au cœur de leur attention et de leurs préoccupations que la part ludique).
Ce n’est pas la seule synesthésie possible en JDR, loin s’en faut, mais il se trouve que dans de nombreux jeux, elle constitue quasiment la seule existante, voire elle est même parfois sabotée par la conscience du joueur que son PJ ne peut pas mourir parce que le MJ en a besoin pour la suite du scénario, ou parce qu’il n’a pas le cœur à tuer ses protagonistes…
Ce n’est pas vraiment important que la mort du PJ produise un parallélisme entre enjeux du personnage et du joueur, tant qu’il y en a d’autres.
Par exemple : « quelle compétence vais-je utiliser pour franchir un obstacle ? » peut être une forme de synesthésie si elle influe sur les chances qu’a le personnage de parvenir à atteindre son objectif.
La synesthésie est implication. Laisser un joueur décider des objectifs de son personnage l’impliqueront davantage dans l’histoire.
En psychologie sociale, on appelle cela la théorie de l’engagement. Elle dit que ce sont nos actes qui nous engagent. Plus un choix est dépourvu d’obligation ou de justification externe, plus la personne aura à cœur de le rendre cohérent en l’assumant le plus loin possible.
La synesthésie est produite par la rencontre de deux éléments fondamentaux du JDR : la situation et le système.
La situation est la rencontre du personnage et du monde (PNJ et obstacles inclus). Tout ce qui constitue leur logique et leurs objectifs entrent donc dans ce champ.
Le système, c’est tout ce qui influe sur le déroulement des évènements dans le jeu. Les règles explicites comme tacites, les autorités dévolues au MJ (s’il y en a un) et aux joueurs, les principes de résolution, l’alternance narrative…
– Il y a toujours une distance entre ce qu’éprouve le joueur (d’un point de vue émotionnel et ludique) et ce que devrait éprouver son personnage –
Car malgré tous les efforts du monde et à défaut d’être schizophrène, on fait la part des choses entre réalité et fiction. Vous n’avez jamais autant peur de mourir que ce que votre personnage devrait l’avoir.
La catharsis est un excellent témoin de la synesthésie, mais même dans un film, on ne pleure pas quand le protagoniste pleure, mais quand ses choix et ses actes se heurtent à la situation et produisent une perte. Le JDR propose une catharsis active, contrairement à la plupart des autres médiums narratifs.
Faire semblant, c’est mettre une barrière entre soi et son personnage.
Une dispute en roue libre entre PJ peut ne jamais finir si aucun mécanisme de résolution ne vient imposer des enjeux de victoire ou de défaite (cf. les threads suivants : Entre joueur et personnage et Vous pourrez faire tout ce que vous voudrez, je ne parlerai pas !)
Généralement les joueurs glissent vers un autre mode de conflit (baston, par exemple) qui, lui, est régulé et permet l’assurance d’une issue, ce qui crée des enjeux.
Sans la mise en place d’une technique de résolution, l’aboutissement d’une telle dispute ne peut être que consensuel. S’il n’y a pas de consensus, on se heurte à des dysfonctionnements et de la frustration.
Pour obtenir de la synesthésie, il faut que les choix et les actes effectués par le joueur fassent sens et produisent un effet sur la fiction et/ou l’histoire. Cela passe par une triple nécessité : liberté de choix et/ou de créativité + Résistance (du monde via le principe d’adversité) + Conséquences palpables et cohérentes avec les enjeux.
On peut résumer cette triple nécessité en une seule : la nécessité d’éprouver la fiction.
– Voici maintenant un exemple de la façon dont les techniques de jeu peuvent augmenter la synesthésie –
Les enjeux et l’escalade dans Dogs in the Vineyard
Nous avons joué l’initiation de frère Jebediah (mon PJ), destinée à faire de lui un « Chien de dieu », par IRC, voici l’objectif que j’ai choisi (en tant que joueur) et la scène qui en a découlé :
« Parviendra-t-il à remettre une prostituée sur le droit chemin ? »
Frère Jebediah se promenait un soir dans les rues de Bridal Falls, après une dure journée d’entraînement. Une jolie fille l’accoste : « Bonsoir mon frère, pourrais-je vous demander un petit peu d’argent? Je n’ai rien mangé depuis longtemps! » Elle a les yeux rougeâtres et de grands cernes, des noirs cheveux mal coiffés.
Son haleine dégage une faible odeur d’alcool.
« Comment ta dignité peut-elle te permettre de mendier ? Tu me dis être affamée, ta plastique devrait attirer les mâles à la ronde ! »
Elle soupire. « Cela se voit donc tant ? Si tu veux on peut négocier quelque chose dans ce goût également, j’ai le temps. »
« Je n’ose comprendre ce que je viens d’entendre… A quelle condition te soumets-tu ? Maraude ? Je n’ai que faire à risquer de me faire égorger ou débaucher dans un tel taudis. Comment en es-tu donc arrivée là ? »
Ici, le conflit débute, les ressources des personnages sont évaluées, puis chaque échange est accompagné d’une mise. Chaque joueur voyant les ressources de son adversaire élaborera des choix tactiques en fonction de sa supériorité ou de son infériorité. Il est possible d’essayer de renverser la tendance pendant le conflit comme nous allons le voir…
Elle regarde le jeune homme de travers. « T’es un peu contradictoire, toi, hein? T’en fais pas, je suis seule. Je ne te demanderai rien d’astronomique, ça dépend juste de ce que tu veux. »
« Ce que je veux? Tu prétends pouvoir le satisfaire? Tu t’embourbes dans un aveuglement qui te conduiras à ta perte. Je peux t’aider ! »
Elle lui fait de grands yeux. « C’est quoi ce que tu dis? Si tu veux m’aider, donnes-moi donc une piécette ou décide-toi à coucher avec moi. Sinon je te laisse tranquille, faut pas te sentir obligé… »
« Penses-tu vraiment qu’un peu d’argent te permettrait de mieux vivre? »
« Ahah… l’Homme ne vit pas d’eau et de pain seulement, c’est vrai, mais en avoir t’empêche de mourir de faim et de soif! T’es chou toi! » Dit-elle avec son plus beau sourire. Elle caresse la joue du Chien de Garde et le regarde avec ses beaux yeux bleus. Elle a vraiment un joli visage, avec ses petites tâches de rousseur.
Jusqu’ici, les ressources de la jeune femme, jouée par Christoph (MJ) lui donnent l’avantage par rapport à mon PJ… les choix narratifs que nous effectuons mettent en relief la difficulté de mon personnage à être efficace en discussion, difficulté instaurée par mes faibles ressources dans ce mode de conflit.
Jebediah attrape sa main avec force et la pousse contre le mur… « Comment oses-tu espérer obtenir ce que tu veux de moi par mes pulsions animales? « Si la purification par l’esprit ne suffit pas, je pourrais recourir à d’autres moyens, car mon ascendance ne me bride pas l’âme, à moi, traînée ! » Il enserre ses mains autour de son cou.
J’essaye donc de renverser la tendance du conflit, (un peu agacé par le fait qu’une prostituée me tienne tête) en en venant aux mains. Le jeu propose pour cela « d’escalader », ce qui permet d’ajouter généralement un bon paquet de ressources en ajoutant des caractéristiques au pool de ressources déjà en place. J’ai également fait jouer mes traits sur les croyances en matière d’hérédité de mon PJ, qui est orphelin de mère biologique prostituée. Cela m’a permis de prendre l’avantage.
Terrifiée, elle laisse s’échapper un cri et essaye d’appeler à l’aide, mais ne parvient pas à trouver l’air pour ce faire. Elle retrouve cependant ses esprits et regarde l’homme avec des yeux noirs de haine. Elle envoie un coup de genou dans les bijoux de famille de Frère Jebediah, avec beaucoup de conviction, tandis que son visage vire au bleu-violet.
Il reste quand même quelques derniers points à jouer à Christoph
Dans un étranglement rauque, frère Jebediah râle : « Tu es irrécupérable, le démon t’as souillée et à maintes reprises, ton châtiment sera à la hauteur de ta luxure ! » Il se rue alors sur elle et serre, serre de toutes ses forces, son visage rougissant d’une fureur incontrôlée…
Exemple évident d’escalade d’engagement. Officiellement, je voulais lui faire peur, mais cette insistance me montre avec du recul que j’étais sans doute moi-même suffisamment en colère, ou bien peut être simplement désemparé, pour justifier la poursuite de cette strangulation…
Le corps de la jeune fille devient tout mou, les iris partent sous les paupières, elle a perdu conscience. Sa respiration est faible, les marques à la gorge sont profondes. Additionné à l’alcool qu’elle avait dû boire avant, ça ne présage rien de bon pour son cerveau.
Christoph n’ayant plus de ressources, le conflit se finit. J’ai officiellement gagné le conflit, mais à quel prix ? Mon objectif était de la remettre dans le droit chemin, et j’ai fini par la tuer, j’ai vraiment vécu cela comme un échec. Christoph a lancé les retombées (comprendre conséquences des coups échangés pendant le conflit, physiques ou psychologiques), ce qui a conduit à la mort de la jeune fille.
Frère Jebediah sent un instant l’hésitation l’envahir. « Faut-il la laisser vivre? Elle ne prendra pas cela comme un sauvetage… Elle va s’éloigner davantage du chemin de dieu… Je ne peux pas la tuer… Elle ne mérite pas un tel châtiment… J’ai le choix, je suis maître de mon destin ! Pourtant, j’hésite ! Pourquoi mon cœur s’emplit-il de ce doute? Est-ce cette hésitation, le véritable symptôme de la liberté ? Et elle ! Elle s’est elle-même mise dans cette situation. La mort sera une délivrance face à l’inéluctabilité de son destin. » Cela fait déjà plusieurs minutes que le souffle de la femme s’est éteint, que le sang a remplacé la salive coulant depuis la commissure de ses lèvres. Frère Jebediah s’éloigne en regardant fixement ses mains écarlates.
Plusieurs choses ont joué dans cette scène qui restera gravée dans ma mémoire. Tout d’abord, en tant que « chien de dieu », il me semblait interdit et dangereux de m’adonner à la luxure, bien que cela aurait pu être une issue du conflit, si j’avais décidé d’abandonner (option du jeu) ou si j’avais perdu. Je crois que vu les croyances et convictions de mon PJ, je ne pouvais accepter une telle débauche s’emparer de lui.
Là où la synesthésie joue de manière très forte également, c’est que les belligérants ont presque toujours moyen de s’en sortir en escaladant et en utilisant leurs traits pour ajouter des ressources afin de tourner le conflit à leur avantage. L’évolution du conflit est donc un choix, car tout le monde a toutes les cartes en main pour faire des choix qui font sens. Les choix tactiques du joueur ont de fortes répercussions sur la fiction.
Ensuite, là où ce jeu est fort, c’est qu’en établissant l’enjeu du conflit dès le début de celui-ci, on sait ce que les adversaires cherchent à obtenir. Les joueurs en viennent fréquemment à se demander si ça vaut le coup d’aller loin pour l’enjeu dressé ? Est-ce que je peux la tuer pour sa rédemption ? Le jeu propose donc plusieurs options alternatives : abandonner le conflit (ce qui est accompagné d’un avantage pour le joueur abandonnant) ou se laisser perdre (ce qui fait souvent sens dans ce jeu).
Le jeu propose donc dans ses mécanismes de résolution une grande liberté de choix et de grands espaces de créativité, il offre une résistance claire par sa gestion de l’adversité (concrètement, le MJ peut toujours augmenter les ressources des PNJ pour en arriver à des situations critiques si cela fait sens) et les conséquences sont appliquées dès la fin du conflit, ciblées sur les évènements et l’enjeu ! Ces conséquences auront des répercussions évidentes sur la suite de l’histoire, car elles modifient les fiches de personnage et ancrent donc au niveau du joueur les répercussions de la fiction.
C’est ainsi qu’on a joué une scène d’une intensité émotionnelle incroyable (j’étais désemparé à partir du moment où le conflit est parti en vrille), où la problématique morale/violence de Ditv m’a sauté au visage et a laissés des traces indélébiles.
Cette scène m’a renvoyé après coup à « Des souris et des hommes » de Steinbeck, un livre que j’avais adoré étant ado. Pourtant, rien dans mes choix ne s’est porté sur une envie de vivre cela. C’est véritablement le système, qui en me poussant à faire des choix confrontés à ceux du MJ, m’ont conduit sur les chemins de l’intégrisme religieux.
Voici l’une de mes expériences de synesthésie les plus puissantes.
Autant dire que cela joue sur mon désintérêt pour le JDR classique.
Des questions ?
Voici un sujet théorique que j’ai ouvert sur le forum silentdrift
Note : j’ai supprimé le faisceau élastique, car il s’agit en réalité de la semi-arène.
Je commence par une explication de ces schémas :
DÉPART :
Si la situation de départ est fixe et choisie par le MJ ou par le scénario, on a un point. Si la situation de départ est choisie ou construite par les joueurs, on a une ligne dont la hauteur dépend de l’étendue des choix possibles. Un scénario qui propose explicitement deux débuts possibles aux joueurs aura une ligne extrêmement réduite, équivalent à deux points superposés. Mais si les joueurs ont toute latitude pour mettre en scène la situation initiale, la ligne sera très grande, voire elle pourra tendre vers l’infini, bien que la couleur et le système du jeu soient des contraintes qui tendent à donner une orientation et donc à limiter cette ligne.
ARRIVÉE :
Si la fin de l’histoire est prévue à l’avance par le MJ ou par le scénario, on a un point. Si la fin diffère selon les choix des joueurs, on a une ligne dont la hauteur dépend de l’étendue des fins différentes possibles et prenant en compte ces choix. Un scénario qui propose deux fins différentes selon si les PJ parviennent à vaincre le grand méchant ou non finira par une ligne très petite, équivalant à deux points superposés. Si la fin est totalement ouverte et ne dépend que des choix des joueurs, alors la ligne peut s’étendre vers l’infini, sachant que plus les éléments narratifs sont prévusà l’avance, plus ils constituent un rétrécissement potentiel de cette ligne.
LE CORPS :
Si les joueurs ne peuvent développer l’histoire (ou en pratique ne le font pas) et explorer la fiction qu’à partir d’éléments préexistants (du background du texte du jeu, du scénario ou de la tête du MJ), les lignes du corps seront droites. Si les joueurs peuvent intégrer dans l’histoire ou dans la fiction des éléments qui ne sont pas prévus et par exemple générer des situations qui n’ont peu ou pas de liens avec l’histoire prévue, alors les lignes du corps seront courbes. L’espace entre les lignes du corps désigne le nombre d’histoires différentes possibles à chaque nouvelle partie jouée avec le même matériel et de nouveaux PJ (voire de nouveaux joueurs). Plus l’espace est grand, plus le nombre d’histoires différentes potentielles est grand. Une ligne droite entre le départ et l’arrivée indiquerait que les choix des joueurs n’affectent en rien l’histoire telle qu’elle a été écrite à l’avance. Si les lignes du corps sont courbes, la ligne d’arrivée l’est aussi en conséquence, car la fin se retrouvera enrichie des apports des joueurs pendant la partie, rendant la prévision de ce que sera la fin de l’histoire plus difficiles qu’avec une ligne d’arrivée droite.
EXEMPLES :
Harry Potter, L’orbe du déchu = chapelet ouvert
Plus que de commencer d’une situation initiale, ce scénario commence par un monologue du MJ (que le MJ narre à sa façon mais en suivant le scénario) qui raconte aux joueurs la façon dont ils reçoivent l’inespérée ou la très attendue lettre de Poudlard (permettant d’apprendre au personnage qu’il est inscrit à l’école de sorcellerie). Puis le MJ raconte comment les PJ prennent le train et se retrouvent dans le même compartiment, avec un 4ème année belliqueux. Hop, nous arrivons sur une boule du chapelet : la situation est plantée, les joueurs jouent leurs personnages, le 4è année belliqueux va les emmerder, ils ont tout loisir d’agir à leur convenance, mais cela ne changera rien à la scène suivante : Arrivée du train à la gare de Pré-au-lard, puis au château de Poudlard où les élèves sont répartis dans leurs maisons respectives, puis commence un festin. Ensuite les élèves, PJ inclus sont conduits à leurs dortoirs. Ellipse, le MJ met en situation le premier cours de soin aux créatures magiques qui se déroule de nuit dans la forêt interdite. Mais un professeur est là , donc pas de soucis. Pendant le cours, les PJ peuvent ou non tenter de briller via les exercices demandés par la prof (petite boule du chapelet), mais l’un des PJ entend une voix qui l’attire dans la forêt. Il s’agit de son père, mage noir disparu depuis quelques années. Le scénario ne se poursuivra que quand les PJ auront découvert ce PNJ. La petite boule est donc agrandie par cette nécessité scénaristique. Certains de mes joueurs ont réussià le rencontrer pendant le cours de nuit, d’autres ont du attendre plus longtemps, de petites scènes ont été jouées entre. Une voix appelle le PJ qui est le fils ou la fille du mage noir la nuit, quand elle est suffisamment proche de la forêt. Une autre scène qui poursuit l’histoire est racontée dans ce rapport de partie. La partie se poursuit selon ce principe de chapelet.À la fin, les PJ ont trouvé un orbe contenant le sang du mage noir devenu vampire. Ils peuvent choisir entre le rendre à son propriétaire ou le donner aux profs. La fin diffèrera selon le choix des PJ, le chapelet se finit donc de manière ouverte.
Démiurges, Défunte mémoire = fuseau
Cette partie commence par une mission de l’Agora. Le départ de la partie est donc un point, car quels que soient les choix des joueurs, le début sera le même. La situation initiale découle donc de la mission et ressemble un peu à ça : se rendre dans un village perdu en montagne et éclaircir le mystère des disparitions. Bien sûr, une « mission » ne donne pas forcément lieu à une situation initiale fixe (imaginons par exemple une mission que se donne le personnage du genre : « je dois rétablir la paix dans ce monde », et même des missions imposées par le scénar peuvent il me semble amener une situation initiale malléable)… Ensuite, cette partie se limite à deux lieux : le village, et le manoir dans la forêt qui le borde. Mais les joueurs ont toute latitude pour mener leur investigation et explorer les lieux. La fin est prévue à l’avance : la défaite de l’alchimiste qui est la cause des disparitions. J’ai joué plusieurs fois la partie et il me paraissait évident que ça devait se terminer comme ça. La situation finale est écrite dans le scénario. Bien sûr, si les joueurs foiraient complètement et fuyaient les lieux, en tant que MJ, j’aurai improvisé une fin différente. Mais ça n’a jamais été le cas dans nos parties, car je me débrouillais pour que le coup de théâtre final ait lieu. Il me semble qu’un fuseau avec des lignes droites plutôt que courbes ne peut exister sans être une simple ligne, car si la narration est bridée à son départ et à son arrivée et qu’elle n’est pas un minimum élastique, elle ne peut, sans devenir un chapelet proposer de potentialité narrative.
Démiurges, Causalité (scénario en arborescence) = cône droit
La spécificité de ce scénario est qu’il est structuré en arborescence. On pourrait donc imaginer que les joueurs ont une grande latitude de choix narratifs, or en réalité il se limite à deux ou trois par « nœuds ». Le fait de prévoir à l’avance l’état de la fiction à chaque niveau tend à limiter l’amplitude et l’élasticité narrative de la partie. C’est ce dont je me suis rendu compte lors de la partie jouée de cette manière. Le départ découlait d’une partie précédente et se fixait sur un lieu et la découverte d’un artefact prévu dans le scénario. Nous avons donc un point au départ. Plusieurs fins étaient possibles, mais elles étaient toutes prévues à l’avance. Nous avons donc une ligne d’arrivée relativement courte (constituée en réalité de plusieurs points : le nombre de fins prévues à l’avance). L’élasticité dépend de la tendance du MJ à intégrer les propositions des joueurs à l’histoire. Lorsque nous avons joué cette partie, les choix des joueurs restaient cadrés dans la direction du scénario. Certaines scènes se sont déroulées d’une façon très différente de ce que j’imaginais, mais les étapes clef restaient conformes à ce qui était prévu dans le scénario.
Un rapport de partie de ce scénar
Démiurges, Palimpsestes = cône ou cône droit
Cette partie précède chronologiquement « Causalité ». L’Agora donne une mission aux PJ : se rendre à Chartres et découvrir ce que manigancent les dissidents. Ensuite, la façon de procéder est très ouverte, type « bac à sable » avec néanmoins des indices qui conduisent à de nouveaux lieux, PNJ et indices. Mais au final, la façon d’agir et l’ordre de découverte sont très libres. Ainsi, les trois fois et demi que j’ai fait jouer cette partie, l’histoire a été très différente : certains joueurs ont agi avec violence dès le départ, d’autres ont tout fait pour éviter les ennuis, il y a eu de la collaboration, de l’entubage, de la négociation dans certaines parties et pas dans d’autres. Mais la seule fois que j’ai vraiment éprouvé l’élasticité de ce scénario, c’était durant cette partie où le joueur a cherché à développer des choses en dehors du scénario. Au final, ce n’était que balbutiant, mais ça fonctionnait bien. Pour ainsi dire, le joueur ayant décidé que son perso gagnerait à se détacher de l’Agora pour fonder son propre clan autonome a eu beaucoup de conséquences sur la partie, notamment dans sa façon de quérir de l’aide auprès de l’Agora, de s’approprier ses découvertes et de considérer ses « ennemis ». Rapidement, il n’a plus poursuivi l’objectif par obéissance, mais pour ses propres intérêts. Ce qui dans le fond n’a pas créé une histoire très différente des autres groupes, mais dans les intentions et dans le devenir de l’histoire,ça fait une grande différence. Dans d’autres parties, les joueurs ont joué des scènes sans forcément de rapport avec le scénario, mais cela n’a pas eu vraiment d’incidence sur l’histoire, c’étaient plus des parenthèses qu’autre chose.
D’autres rapports de partie sur ce scénario :
Toujours avec Fred
Avec d’autres joueurs
Démiurges, Orage et désespoir (partie avec Rom) = arène
Voici une partie un peu différente où cette fois-ci, il n’y avait aucun scénario de quelque sorte préparé par le MJ. Orage et désespoir Romaric a créé son personnage et lui a inventé des objectifs. Nous sommes partis d’un de ses objectifs pour la situation initiale. Nous avons donc une ligne pour commencer, car avec un autre PJ créé par un autre joueur, le début de l’histoire aurait été sans doute complètement différent. Ensuite, nous n’avions ni l’un ni l’autre d’idée de ce que la fin devait être, hormis le fait d’atteindre ou non son objectif. La fin est donc également une ligne. Comme la plupart des avancées dans l’histoire étaient autant dues aux choix du joueur qu’à ceux du MJ, au final on se retrouve donc avec une belle arène. À un moment donné, j’ai commencé à créer un canevas pour ajouter une intrigue pour dynamiser la partie qui souffrait d’une certaine mollesse, cf le rapport de partie. Nous allions doncà ce moment là vers une semi-arène, car j’orientais l’histoire à partir d’éléments de préparation.
Prosopopée = arène
Ces deux parties de Prosopopée :
Esthétisme et contemplation
Du givre sous les racines
…sont toutes les deux des arènes, puisque l’histoire se construit pendant le jeu, sans scénario d’aucune sorte età partir d’une situation inventée librement par les joueurs. Ici, la couleur du jeu et son système font que les joueurs ont quand même un cadre. Si ce n’était pas le cas, on pourrait imaginer une ligne de départ en forme de cercle et une ligne d’arrivée sous forme d’un autre cercle plus grand entourant le premier. Or nous avons une direction, très large et très floue, mais il y en a une tout de même.
Dogs in the Vineyard = cône, faisceau ou semi arène selon la dynamique du groupe.
Malgré un aiguillage assez précis de Vincent baker sur la façon dont il vaut mieux maîtriser et scénariser une partie de Dogs, je pense que la dynamique du groupe peut transformer la forme de l’évolutivité narrative de la partie. Le texte du jeu conseille au MJ de demander aux joueurs ce qu’ils veulent faire à partir de la situation plantée ou résolue, si sa proposition leur plait etc. Et c’est selon la façon dont le MJ applique ce conseil que la partie peut osciller entre le cône, le faisceau et la semi-arène, également en fonction de la tendance des joueurs à s’emparer des espaces de liberté pour donner une nouvelle tournure à l’histoire. La fin est toujours ouverte si le MJ suit les principes du jeu. On a donc une ligne à l’arrivée. Le départ peut être imposé par le MJ, après tout, il a préparé un village, ce n’est pas pour que les joueurs décident de ne pas y aller. Dans ce cas, on aurait un cône. Si le MJ décide de laisser les joueurs choisir parmi plusieurs villages qui auront une incidence dans l’histoire ou s’il adapte sa préparation pendant la partie aux choix initiaux des joueurs, dans ce cas on a une ligne au départ (ce qui me semble plus rare). Ensuite, si les joueurs tendent à explorer plus que ce que le MJ a préparé, il est fort probable qu’on aille vers la semi-arène. Aussi, il est à noter que la structuration des PJ et du système dans ce jeu tend à favoriser l’élasticité. Car les traits des personnages peuvent être un motif facile d’appropriation de l’histoire. D’autant plus que les scénarios de Ditv ne sont qu’une situation initiale et des objectifs de PNJ tournant autour de la « mission » des PJ.
Hop un petit CR d’une partie conique :
L’intimité et la vertu
[Edit, j’ai reformulé quelques tournures maladroites et ambigües]
Voici une petite série de graphismes et schémas qui se trouveront dans le livre de Démiurges :
Les symboles démiurgiques :
Alchimie
Arithmancie
Psychométrie
???
La boussole politique permettant de positionner les personnages :
Pour reconnaître les dés à utiliser :
Pour comprendre l’organisation des chiffres sur les d10 (pour afficher les scores d’action) :
Les attracteurs étranges :
Type Lorenz
Type Pickover
Type Polynôme type C
Cosmologie :
Un truc sibyllin
Le serpent Ouroboros
Les substances et les manifestations
Pour ceux qui veulent s’amuser à créer des attracteurs étranges, voici un super logiciel qui permet de modéliser des fractales issues de la théorie du chaos : Chaoscope
Vous pouvez télécharger ici l’intégralité de la campagne Intrigues à Poudlard.
Le tout est compilé sous format .rar, que vous pouvez ouvrir avec le logiciel winrar.
Téléchargez la campagne Intrigues à Poudlard complète
Bon jeu !
Intrigues à Poudlard by Frédéric Sintes, Michaël Sintes, Marc Frizon est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France.
Voici donc la version test de Prosopopée. Il s’agit d’un jeu dans lequel j’ai voulu mettre en œuvre la créativité des joueurs en l’orientant vers une esthétique contemplative. C’est inspiré par l’animé Mushishi, conte envoûtant de toute beauté.
La base est solide, mais le jeu verra sans doute des ajouts et modifications avant que je le considère comme étant fini.
Prosopopée by Frédéric Sintes est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France.
SEN est un petit système pour appréhender vos jeux préférés sous un nouvel angle.
la nouvelle version du 28/01/2009 est téléchargeable ici en pdf
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