Qui donne l’impulsion ?
Dans la majorité des cas, le MJ fait la proposition et les joueurs réagissent. Imaginez la situation suivante :
MJ : vous êtes agents du FBI à New York. Votre chef vous explique que des terroristes auraient entreposé des armes et explosifs dans un entrepôt sur les docks. Vous partez en commando pour les intercepter. Vous arrivez à l’heure prévue devant le hangar suspecté. Vous voyez une voiture allemande aux vitres teintées et une issue de secours à l’opposé du bâtiment.
Joueur 1 : Ok, je fais signe à 3 hommes de se poster en hauteur sur le hangar voisin avec les fusils de sniper, cinq hommes à l’issue de secours, les autres avec moi à l’entrée, je prends des grenades aveuglantes.
Joueur 2 : je déverrouille la porte…
Le MJ a créé la situation, les joueurs y ont réagi.
Un autre cas de figure :
Joueur 1 : mon personnage est un avocat au service du procureur de la ville de Los Angeles. Ce matin, je vais prendre un café avec ma resplendissante nouvelle collègue en arrivant au bureau, je ne suis pas insensible à ses charmes.
MJ : « Bonjour Carlson » Elle porte sa tasse à ses lèvres. « Alors, comment se passe l’affaire sur le dossier Jenkins ?
Joueur 1 : « Bonjour Sophia, apparemment, le bougre a commis une erreur en choisissant Kramer comme complice, il est au bord des aveux… Alors, comment tu trouves notre ville, t’arrives à prendre tes marques ? »
Ici, le joueur a créé la situation, le MJ l’a investie.
Maintenant, imaginons que la première situation énoncée se poursuive ainsi :
Après la scène de l’entrepôt, les joueurs manquent d’indices pour arrêter le chef du trafic d’armes.
Joueur 1 : je vais voir mon indic en attendant que le terroriste blessé reprenne consciente.
MJ : vous vous retrouvez dans un pub non loin de chez lui.
Joueur 1 : je lui montre les photos des gars qui se trouvaient dans l’entrepôt. « voilà les mecs qu’on a arrêtés. C’est qui ? Tu sais qui est leur boss ? »
On a beau jouer la même partie, la dynamique s’est inversée. Pourtant, la situation s’inscrit dans la poursuite de l’objectif fixé par le MJ au début de la partie.
On a donc au cours d’une partie, une proposition principale qui s’articule en plusieurs propositions auxiliaires qui peuvent changer de dynamique. Quand la proposition principale est réglée, soit on arrête la partie, soit on fait une nouvelle proposition.
Comme on a besoin de bases pour se lancer, on aura tendance à préparer de quoi tisser un contexte pour l’histoire qu’on veut jouer. Quand le MJ fait la proposition principale, il prépare la partie avec un scénario, ou simplement une situation initiale et trouvera un moyen d’impliquer les joueurs dans sa proposition.
Comment faire pour que les joueurs fassent la proposition principale ?
C’est la création de leurs personnages qui sera la proposition. Pour que ça fonctionne, il faut que les personnages aient un ou plusieurs objectifs et des motivations.
Quand le MJ dit : votre chef vous donne pour mission d’attaquer le village voisin ; votre base n’a plus d’eau, vous devez sortir explorer le territoire pour trouver un moyen de la ravitailler ;
C’est lui qui plante la base de l’histoire.
Mais si un joueur a le loisir de choisir de jouer : un renégat qui cherche à détruire l’empire ; un chevalier qui veut vivre son idylle avec la reine du royaume ; ou un explorateur qui cherche une relique sacrée ;
C’est le joueur qui décide de la direction que prend l’histoire.
Dans ce deuxième cas, les joueurs doivent lier les objectifs de leurs personnages sans quoi ils joueront leurs histoires parallèlement au lieu de jouer une histoire commune.
Si vous essayez de faire les deux à la fois, l’un va forcément prendre le dessus.
Si le MJ lance l’histoire, les joueurs doivent seulement réagir ou générer des situations auxiliaires, sans quoi ils risquent de détourner la proposition du MJ.
Si les joueurs lancent l’histoire, le MJ doit investir la situation : donner aux joueurs matière à leur histoire, gérer l’adversité et éventuellement créer des situations auxiliaires sans quoi il risque de détourner leur histoire.
Sans ces réponses, bien sûr, la partie tombe à plat.
Rappel : les jeux dits « sans MJ » proposent à certains joueurs d’endosser par alternance ou par répartition les responsabilités du MJ.
Ron Edwards, dans son Essai sur le narrativisme dit :
I suggest that considering « the GM » to be either (a) necessarily one person or (b) a specific and universally-consistent role is badly mistaken – we are really talking about a set of potential behaviors (roles, tasks, whatever) which may be independently centralized within or distributed across a group of people. Here are some of those GM behaviors, roles, and tasks: – rules-applier and interpreter, as in « referee » – in-game-world time manager – changer of scenes – color provider – ensurer of protagonist screen time – regulator of pacing (in real time) – authority over what information can be acted upon by which characters – authority over internal plausibility – « where the buck stops » in terms of establishing the Explorative content – social manager of who gets to speak when
A given role-playing experience must have these things – there is no such thing as « GM-less » play. But which of these require(s) enforcing varies greatly, as does whether they are concentrated into a particular person, and as does whether that person is openly acknowledged as such. What matters for Narrativist play, however, isn’t any specific point in the diversity-matrix of these variables – it’s about what the person (or persons) currently in the GM-role is responsible for.
Traduction personnelle :
Considérer « le MJ » comme étant (a) nécessairement une personne ou (b) un rôle consistant spécifique et universel, est une grave erreur – il s’agit vraiment d’une gamme de comportements potentiels (rôles, tâches, ou autres) qui serait indépendamment centralisée ou répartie parmi un groupe de personnes. Voici quelques comportements, rôles et tâches dévolues au MJ : applicateur de règles et interprète, en tant « qu’arbitre » – gestionnaire du temps dans le monde du jeu – distributeur de scènes – pourvoyeur de couleur – responsable du temps de participation des protagonistes – régulateur du rythme (en temps réel) – autorité décidant quelle information peut être révélée par quel personnage – autorité pour la cohérence interne – limitation, concernant l’établissement du contenu de l’Exploration – gestionnaire du temps de parole.
Une expérience de jeu de rôle donnée doit avoir ces éléments – il n’existe pas de parties « sans-MJ ». Mais leur importance varie grandement, comme le fait de savoir si elles sont concentrées dans une personne particulière, et comme le fait de savoir si cette personne est ouvertement reconnue pour cela. Le qui compte, pour jouer une partie narrativiste, quoi qu’il en soit, ce n’est pas un point spécifique dans la diversité de la matrice de ces variables – c’est de savoir ce que cette personne (ou ces personnes) en tant que MJ a comme responsabilités.
Narrativiste.eu est un blog spécialisé dans les jeux narratifs : jeux de rôle et jeux de société qui mettent au premier plan la construction d’une histoire collaborative. Ils couvrent les nouveautés en francophonie, ainsi vous y trouverez des articles sur la version française de Zombie Cinema d’Eero Tuovinen, Sweet Agatha, le jeu de Kevin Allen Jr., traduit par la boîte à Heuhh, et bien d’autres.
Je remercie d’ailleurs Maître Sinh d’y avoir présenté Gloria en vue de playtests.
Vous pouvez discuter des jeux et poser vos questions sur le forum intégré.
Bonne lecture et bons jeux.
1. Introduction
Cet article poursuit l’idée développée dans « le JDR est potentialité ».
Dans la construction d’une histoire, la mise à l’épreuve du protagoniste joue un rôle primordial. Qu’il s’agisse de problèmes rencontrés, d’obstacles à la réalisation de son objectif, d’épreuves, de confrontations ou de conflits, ces mises à l’épreuve ont plusieurs utilités : elles apportent une tension dramatique, une incertitude quant au coût de l’entreprise du protagoniste, du suspense, des dilemmes… Bref, c’est le moteur de l’histoire.
J’écris cet article pour ceux qui veulent créer des « scénars » ou des jeux en donnant un maximum de libertés aux joueurs, de façon à stimuler l’exploitation des potentialités qu’offrent le JDR.
2. Les mises à l’épreuve
Comment amener des mises à l’épreuve dans vos parties de JDR tout en catalysant les potentialités de l’histoire ?
Pour travailler sur ce sujet, je vais commencer par décrire deux biais fréquents dans la gestion des mises à l’épreuve en JDR :
-
l’absence ou la rareté des mises à l’épreuve ;
-
une utilisation des mises à l’épreuve réduisant les potentialités à leur plus simple expression, voire à néant.
2.1. L’absence ou la rareté des mises à l’épreuve
On constate ce phénomène quand le MJ improvise, lâche du lest aux joueurs, et se retrouve dans une situation pour laquelle il n’a rien prévu et pour laquelle il ne sait pas quoi faire. Ou bien les joueurs ne se rendent pas vers l’endroit prévu, par choix ou parce qu’ils ne savent ou ne comprennent pas ce que le MJ attend d’eux. Certains MJ tenteront alors d’écourter ce passage pour revenir dans leur histoire, quand d’autres chercheront à meubler, mais de toute évidence, tout ce que les joueurs vont pouvoir explorer librement sera de peu d’intérêt pour l’histoire. Dans de tels cas, la liberté des joueurs n’a aucun intérêt.
2.2. Une utilisation rigide des mises à l’épreuve
Du coup, pour rythmer une partie, pour la rendre palpitante, dynamique, on place des mises à l’épreuve dans nos scénars. Combien de fois a-t-on vu ou écrit des scènes dans lesquelles il était prévu à l’avance qu’un combat ou une course-poursuite devait avoir lieu ? Et souvent, si les joueurs en décident autrement, la préparation de cette scène n’aura servi à rien. De plus, si les joueurs échouent, tout le monde va se retrouver dans la situation « 2.1. » ou alors rejouer plusieurs fois le même combat jusqu’à la victoire, à la façon d’un jeu vidéo.
2.3. Le positionnement
Le positionnement des joueurs face aux évènements vécus est primordial : il consiste à se positionner par rapport aux situations créées : choisir son camp, user de violence ou négocier, prendre des risques, assumer une transgression par rapport aux lois, choisir entre une valeur ou des liens affectifs etc.
Pour permettre un positionnement, il faut offrir aux joueurs des « situations à choix multiples ». Les choix et leurs conséquences n’ont pas besoin d’être prévus, il s’agit surtout de distinguer les situations dans lesquelles les choix des joueurs, quels qu’ils soient ne mettront pas en péril la partie. Bien sûr, un joueur peut toujours se désintéresser des situations proposées et faire quitter la scène à son personnage. Dans ce cas, sa fuite doit produire des conséquences : l’adversité est pugnace et cherchera tous les moyens pour arriver à ses fins. C’est votre rôle, en tant que MJ, de réfléchir à une façon de créer les meilleures situations pour vos parties.
3. Les situations de crise
OK, la liberté c’est bien, mais comment laisser de la liberté aux joueurs en évitant qu’ils baillent en regardant l’heure toutes les 5 minutes ?
Par l’utilisation de situations de crise. Le terme est bien choisi vu le climat économique…
Voici quelques exemples de situations de crise que l’on peut trouver dans le cinéma ou la littérature :
-
des terroristes font une prise d’otages dans la banque centrale ;
-
le meilleur ami du protagoniste drague sa femme ;
-
un concurrent a usurpé la paternité de vos recherches sur une maladie rare ;
-
un rival a dénoncé vos intrigues au roi ;
-
un ennemi cherche à obtenir l’objet en votre possession ;
-
un cataclysme menace la ville où se trouve votre famille…
La liste pourrait être longue. Une situation de crise est une situation constituée d’un ensemble d’évènements ou d’informations qui demandent au joueur d’agir, de prendre une décision importante pour son personnage ou pour lui-même.
La situation de crise diffère du conflit prévu en ce sens qu’elle pose une situation conduisant potentiellement à des conflits, en plaçant au centre des évènements, des enjeux, c’est à dire le mobile des antagonistes : ce pour quoi on se bat, ce qu’on risque de perdre ou de gagner.
4. Les motivations
Si le but est d’inciter un ou plusieurs joueurs à agir ou à réagir, il est important de savoir de quelles manières on y parviendra le mieux :
-
En premier lieu, gardez toujours à l’esprit qu’un joueur sera d’autant plus motivé, qu’il saura que la satisfaction de son désir est possible, mais qu’il devra faire des efforts ou des choix difficiles pour y parvenir ;
4.1. Les motivations externes :
-
Vous pouvez mettre le personnage en situation d’honorer son devoir : c’est le principe utilisé dans tous les scénarios à mission, le personnage a un rôle, un devoir, et une autorité lui donne une mission, ou une personne fait appel à lui pour exercer sa fonction ;
-
La technique de la coercition consiste à jouer sur la tendance du joueur à vouloir éviter la douleur physique ou psychique, ou toutes sortes de déconvenues pour son personnage, dans le but de le forcer à agir. L’esclavage est une forme de coercition permanente. Je déconseille l’utilisation systématique de cette technique qui risque, bien entendu, de provoquer beaucoup de frustration ;
-
Plus utile et plus efficace est le risque de perte : il s’agit d’un excellent moteur à action, à partir du moment où la chose menacée est importante pour le personnage, ou apparaît comme tel pour le joueur, par exemples : un objet d’une importance capitale, un être cher, son statut, son intégrité physique ou morale, la vie… Notez que la menace sera plus forte si l’objet visé est rattaché au système du jeu (s’il s’agit d’une ressource importante pour atteindre un but, ou d’une condition de sa santé mentale, son statut social…). Autrement, le joueur pourrait tout à fait s’en désintéresser ;
-
Une perte effective, déjà produite est une motivation plus incertaine, car dans certains cas elle pourrait inciter à rendre justice, à se venger ou à obtenir réparation ou compensation, mais dans d’autres cas, elle pourrait entraîner la résignation. Il est plus intéressant qu’elle survienne en conséquence des actes, qu’en élément déclencheur, et que le responsable soit connu du PJ et accessible ;
4.2. Les motivations internes
-
Les valeurs correspondent à toutes sortes de croyances, convictions, certitudes, idéologies. Elles peuvent appartenir au personnage, mettant le joueur en situation de les défendre, comme les conflits idéologiques peuvent s’adresser directement au joueur (questions de moralité ou de justice, notamment), à condition d’être connecté au rôle du PJ. Vous pouvez exploiter ces valeurs en les heurtant à d’autres valeurs ou à des relations, un devoir, ou toutes sortes de situations (par exemple, manifester de la violence physique devant un pacifiste, le bien d’un peuple vaut-il le sacrifice d’un individu ? Acquérir la puissance vaut-il la perte de son humanité ? Etc.).
-
Enfin, les relations affectives sont un moyen de catalyser toutes les motivations données, car toutes les choses sont plus graves quand elles touchent un être cher, par exemple : le fils d’un personnage fait partie du réseau terroriste qu’il tente de démanteler…
Vous pouvez donc bien entendu mélanger ces différentes motivations. Dans certains cas, le simple fait d’avoir des personnages en opposition franche sur un point suffit pour lancer une partie.
5. Structurer la partie
Maintenant, il faut s’assurer que la situation de crise sera suffisamment riche pour tenir une séance ou plus.
Cela va consister en une complexification de la situation de crise : plus de deux parties sont en opposition, chaque partie a des alliés, ou bien un antagoniste n’est qu’un allié du véritable décisionnaire (comme ça, s’il meurt, pas de problème, le chef, ou un allié prend le relais). Les antagonistes peuvent avoir des plans d’action en plusieurs étapes et chaque révélation faite aux joueurs conduit vers une étape du plan, jusqu’à la dernière. Mais ne préparez rien de plus que le plan et les indices, pas la manière dont on doit le trouver.
Après une défaite, les ennemis vont chercher un moyen de revenir à la charge. Vous pouvez également prévoir plusieurs situations de crise corrélées, mais indépendantes. L’antagonisme sera toujours plus stimulant s’il vient de personnages doués d’intelligence et de capacité d’action.
Quand tous les participants poursuivent des objectifs pour leurs personnages, vous pouvez vous contenter de répondre à leurs impulsions et de créer de l’adversité quand elle ne vient pas d’oppositions entre les PJ. Plus les joueurs auront de responsabilités et plus l’improvisation sera facile à gérer. Si les PNJ ont des objectifs et des motivations, il vous suffira de les suivre pour les jouer.
Quand les situations de crise sont résolues, vous pouvez finir la partie. La narration de fin devra simplement rappeler ce qu’il s’est passé d’important durant l’histoire jouée et en brosser les conséquences.
6. Exemples
6.1. Innommable
Ce jeu de Christoph Boeckle1 propose des situations mystérieuses et dangereuses, où des individus normaux sont confrontés à une horreur qui les dépasse. Il contient une méthode de création de « situation initiale » que le MJ doit créer avant la partie. Pendant la partie, voilà le schéma que l’on rencontre habituellement : des gens normaux se retrouvent dans un lieu où des choses paraissent étranges ou inhabituelles. Puis ils vont découvrir que des personnes sont responsables de ces manifestations. Enfin, l’origine de tout ce mal est un être surnaturel, une aberration métaphysique.
Le MJ annonce avant la création des PJ dans quel lieu (ordinaire ou non) l’histoire va se situer et il demande de créer leurs personnages en conséquence, selon les types de rôles que le MJ propose avant la partie, et d’expliquer brièvement leur présence. Ils doivent également posséder une « attache », autrement dit, quelque chose qui les rattache à la réalité et à la vie.
Souvent à huis clos, le seul moyen de sauver sa peau est de démasquer et de vaincre les « profiteurs », c’est à dire les antagonistes cherchant à utiliser la source surnaturelle à leur profit.
Durant le « premier acte », des indices étranges (appelées « symptômes ») se dévoilent progressivement. Ces symptômes créent des situations problématiques, inhabituelles, produisant assez peu de situations de crises en les laissant assez libres et peu dangereuses. Quand les profiteurs commencent à mettre leur plan à exécution, le risque de perte (de la vie, de la raison, ou de leur attache, principalement) devient souvent dominant. L’attache peut aussi créer une motivation d’ordre relationnel.
Les personnages possédant des valeurs (libre au joueur d’en créer) pourraient être amenés à les défendre, et la violence de certaines scènes d’horreur peut aussi inciter les joueurs à exploiter leurs valeurs personnelles pour leurs prises de décision.
Le MJ peut utiliser certaines règles spéciales pour se montrer coercitif occasionnellement vis à vis d’un joueur, dans le but de pousser les scènes d’horreur à l’extrême.
Si des joueurs choisissent d’incarner des forces de l’ordre, ils pourront eux-mêmes prendre des décisions en adéquation avec leur sens du devoir, par exemple en essayant de sauver quelqu’un, malgré l’évidence même du péril qui le guette, car c’est leur job, voire, si il est sollicité.
Il est important de constater que certains éléments de motivation sont introduits par le système de jeu, d’autres par le MJ et d’autres par les joueurs. Mais vous allez voir qu’il y a bien des façons de les utiliser.
6.2. Prosopopée
Dans ce jeu,2 je propose de jouer des avatars de divinités parcourant le monde pour résoudre des problèmes d’ordre surnaturel dont pâtissent les communautés humaines.
Les joueurs décrivent le monde au fil de son exploration. Quand les narrations plaisent à d’autres, ils donnent des dés. Ces dés permettront plus tard de résoudre les problèmes rencontrés.
Quand les joueurs décident que certaines découvertes sont des problèmes, ils les « ancrent », c’est à dire que ces choses-là ne pourront être modifiées qu’en cas de jet de dés réussi.
Les joueurs explorent des lieux extraordinaires et mènent leur quête consistant à découvrir et résoudre des problèmes, en cherchant le potentiel pour y parvenir. L’énoncé et le système rendent le rôle des PJ univoque : ils doivent trouver les problèmes et les résoudre. L’exploration et la résolution sont donc des motivations liées au devoir.
Parfois, les joueurs pourront être émus par le sort d’un PNJ, auquel cas, leurs valeurs ou leur affect relationnel seront sources de motivation. Notons que dans ce jeu, ce cas est assez rare.
Les avatars ne peuvent pas être affectés par les problèmes, ce qui retire tout risque de perte ou de coercition. En revanche, cela peut agir par procuration quand ce sont les PNJ qui sont visés.
Dans ce jeu, certaines mécaniques pleinement impliquées dans la fiction sont parallèles à l’histoire et jouent d’avantage sur des enjeux esthétiques que sur les choix des personnages. En effet, confiés aux joueurs, certains enjeux ludiques ou esthétiques peuvent tout à fait compenser le manque d’enjeux dramatiques d’une partie.
6.3. Zombie Cinema
Dans Zombie Cinema,3 les joueurs font face à une menace zombie, mais pour s’en sortir, il faut gagner des conflits contre les autres joueurs en premier lieu, puis contre les zombies également.
Les joueurs vont porter beaucoup d’attention aux faits et gestes des autres PJ et jouent leur personnage en fonction de ses propres valeurs et de sa personnalité qui se construisent surtout pendant la partie.
Sur des cases, le pion zombie s’approche inéluctablement des pions des joueurs. Ceux-ci sont incités à aller de l’avant pour contrer le risque de « perte de la vie » de leurs personnages.
Le principe d’alliance et de soutien du système de conflits fonctionne via les jugements de valeurs et les jugements affectifs des personnages dans le cas d’une alliance, et grâce aux faisceaux de valeurs et à l’affect du joueur dans le cas d’un soutien.
Enfin, la règle du sacrifice permet à un joueur de donner à un autre autant de cases d’avance que lui en sacrifie.
Les joueurs peuvent eux-même se heurter aux situations mettant à l’épreuve le sens du devoir de leur personnage en créant un PJ des forces de l’ordre, par exemple.
6.4. Dogs in the vineyard4
Les joueurs incarnent des jeunes représentants de l’ordre religieux dans l’Utah au XIXe siècle. Leur rôle est de déceler le péché, la sorcellerie et l’influence démoniaque dans les différentes branches (villages) de la communauté. La motivation à l’accomplissement du devoir est donc instituée dans le principe de base du jeu.
Cependant, les préceptes religieux sont libres d’interprétation pour les joueurs, ce qui permet de jouer sur des valeurs variables.
Via la création de situations initiales, les PNJ constituent une communauté dont certains transgressent les règles édictées, connues des joueurs. Leurs transgressions sont souvent subtiles, et l’histoire des PNJ peut provoquer la compassion. Certains d’entre-eux sont de la même famille que l’un des PJ, ce qui crée un lien relationnel. Les valeurs et le sens du devoir qu’essaient de défendre les joueurs sont mis à mal et les exposent souvent à des choix difficiles exacerbés par le système de résolution qui peut amener un risque de perte important, voire se montrer occasionnellement coercitif quand le MJ joue finement. Dans ce cas, il incite fortement le joueur à l’utilisation de la violence, pouvant provoquer des pertes effectives lourdes.
Les techniques de création de situations est génératrice de drames humains, entraînant des jugements de valeur, exacerbés par le fait que les PJ doivent rendre la justice et toute liberté leur est donnée pour cela, dans la limite du jugement des autres joueurs.
Le contexte, les situations et les mécaniques de jeu mettent les joueurs en position de jugement de valeur, face aux actes des personnages et aux choix des joueurs. Les risques de perte sont proportionnels à l’entêtement du joueur à vouloir défendre son point de vue.
6.5. Objectifs communs et individuels
Un jeu comme Vampires5, de Victor Gijsbers propose de créer un objectif commun à tous les vampires du coin, par exemple : devenir le prince vampire de la ville, séduire la plus belle mortelle etc. Puis, toute liberté d’action est laissée aux joueurs, aucun scénario n’est écrit, ce sont leurs actions qui construisent l’histoire. L’objectif commun au départ est un élément pourvoyeur de conflits entre tous les concurrents, c’est ce qui va entraîner des situations de crise. Les objectifs trop « énoncés » ont un effet un peu artificiel, et ce, d’autant plus que la seule motivation évidente est : « parce que c’est ma nature ». Il n’empêche que l’histoire se suffit d’un tel enjeu pour exister.
7. Qui donne l’impulsion ?
Comme on l’a vu précédemment, quand le personnage a suffisamment de motivations personnelles et un contexte fertile, vous pouvez demander au joueur ce que son PJ entreprend. Vous pouvez demander également à vos joueurs de faire eux-mêmes les mises en scène en répondant à trois questions :
-
où se déroule l’action ?
-
qui est présent ?
-
que se passe-t-il ? (Ou qui fait quoi ?)
Cela pourra être utile dans un univers suffisamment malléable et si de surcroît c’est eux qui conduisent l’intrigue.
Vous n’aurez qu’à réagir à leurs propositions en gérant l’adversité et en amenant des situations de crise.
Quand les PJ ont en eux le potentiel des situations de crises, ou quand le système le génère, il n’y a plus besoin de MJ, c’est le cas de Zombie Cinema et Prosopopée.
Pour finir
Parvenir à créer un équilibre entre tension dramatique et liberté des joueurs est un travail de longue haleine, mais des techniques aident à rendre le travail de chacun plus simple et intuitif, notamment les techniques de partage des responsabilités. Enfin, le résultat, quand la structure est équilibrée, offre des horizons plus larges que jamais et tous les problèmes de parasitage entre les choix des joueurs et les objectifs du scénario (le fameux Truc impossible avant le petit dèj’) disparaissent.
1Jeu en développement : http://www.silentdrift.net/innommable/
2Jeu en développement : http://www.silentdrift.net/forum/viewtopic.php?f=28&t=1585&start=15#p15197
3Un jeu Arkenstone Publishing, traduit en français : http://www.arkenstonepublishing.net/zombiecinema/resources
4Jeu de Vincent Baker en anglais : http://theunstore.com/index.php/unstore/game/1
5http://lilith.gotdns.org/~victor/writings/0058vampires.pdf
Voici Gloria, un JDR dans lequel vous incarnez des Héros adorateur de la déesse de la Gloire œuvrant contre les desseins du dieu Putride et des Chimères mettant l’humanité en péril. Certains Héros sont des hybrides, descendants de chimères dans des familles humaines.
Le jeu est en grande partie Free-form mais propose un système de confrontations plutôt épicé et haut en couleur, pour ceux qui aiment la dimension tactique sans rien négliger de l’esthétique de la fiction. Si vous avez toujours cherché à jouer des campagnes médiévales fantastiques velues sans se prendre la tête et avec beaucoup d’efficacité, ce jeu est fait pour vous !
19 pages, des techniques pour créer des intrigues et un système très spectaculaire et sans calcul mathématique ni table, avec un générateur de monstres et une zone de confrontation grandement inspirée du jeu 3:16.
Je recherche des testeurs pour affiner le jeu, faites-moi des retours à l’adresse fredericsintes[AT]hotmail[POINT]com, ou sur le forum http://www.silentdrift.net/forum
Voici un débat sur Radio accord par Raphaël, Fabien, Fred Timeo, Ben et moi-même, en tant que membres de La Guilde à Poitiers :
Voir le podcast du 12 octobre : http://www.radio-accords-poitou.com/Les-debats-de-radio-Accords
Bonne écoute !
Bonjour à tous.
J’ai bouclé le texte du jeu et je suis satisfait de la forme de Prosopopée. Il s’agit de mon premier jeu fini.
Je recherche des relecteurs pour pinailler, faire de l’orthocapillotomie et faire péter les dernières coquilles, disgrâces stylistiques et autres phrases souffrant d’un manque d’intelligibilité ou de pédagogie.
Une fois ce travail réalisé, il ne me restera plus qu’à le maquetter et l’illustrer pour pouvoir le publier en impression à la demande.
Contactez-moi à fredericsintes[AT]hotmail.com (remplacez [AT] par @) en précisant si vous préférez la version .odt ou la version .pdf.
Merci à tous ceux qui ont permis à ce projet de germer, d’éclore et de s’épanouir.
Le Big Model, c’est le nom donné avec humour au gros paquet des théories de The Forge.
Nous en faisons une esquisse sur le podcast de la Cellule avec Romaric Briand, Christoph Boeckle, Fabien Hildwein et moi-même :
Cette théorie met le doigt sur les principaux problèmes rencontrés durant les parties de JDR et propose des moyens pour les régler.
Il existe autant de façon de mener que de MJ. Bien souvent, le fait de jouer au même jeu n’uniformise pas les façons dont on les mène. Entre le MJ qui prévoit à l’avance les scènes qui vont se dérouler (scène 3 = combat contre les forces de l’empereur) ainsi que la façon dont elles vont se dérouler et le MJ qui fait de la figuration devant ses joueurs en gérant surtout l’adversité, les expériences de jeu diffèrent grandement.
Il y a un certain nombre de choses que l’on laisse traditionnellement au MJ :
-
Qui décide de ce qui compose le monde ?
-
Qui révèle l’intrigue?
-
Qui compose les situations ? De quelle manière ?
-
Qui détermine si une action échoue ou réussit ?
-
Qui raconte le résultat des actions ?
-
Quelles parties des PJ, des PNJ ou du monde les autres ont-ils le droit de modifier ?
On parle de responsabilités1 pour les points 1 à 5 et de propriétés pour le point 6.
Les responsabilités sont partagées dans la plupart des parties de JDR, comme nous allons le voir.
1. Qui décide de ce qui compose le monde ?
Ou responsabilité de contenu.
Exemple A :
MJ : « Après plusieurs jours de traque, vous vous retrouvez dans une grande forêt. »
Joueur : « Est-ce que je peux grimper à une arbre pour observer les alentours ? »
MJ : « Oui, les arbres sont hauts, mais faciles à escalader. »
Ici, le MJ a une responsabilité de contenu intégrale : le joueur ne peut se contenter que de suggestions et de questions au MJ, c’est ce dernier qui décidera si les arbres existent (après tout, ça pourrait être une forêt d’autre chose) et s’ils peuvent être escaladés.
Exemple B :
MJ : « Après plusieurs jours de traque, vous vous retrouvez dans une grande forêt. »
Joueur : « Je grimpe à une arbre pour observer les alentours. »
Ici, le joueur exploite ce qui paraît logique pour planter des arbres accessibles et qu’il estime pouvoir escalader.
Exemple C :
Joueur : « J’appelle Gregor et je lui dis de passer chez moi. Je laisse la porte ouverte et je me cache derrière l’armoire pour le surprendre. »
Dans cet exemple, le joueur a décidé que son personnage possédait un appartement, mais il a également décidé du contenu de cet appartement (cela arrive sans qu’on l’ait définit à l’avance, tant que tout le monde trouve ça cohérent). Ici, le MJ n’est plus du tout le seul responsable du contenu de l’univers. Dans certains cas, on acceptera que le joueur crée ce type de contenu s’il appartient à son personnage (son équipement, son domicile…). Dans d’autres cas, le joueur sera libre d’inventer du contenu à sa guise, quel qu’il soit. Dans ce cas, il sera utile de bien définir les spécificités du rôle de MJ.
2. Qui révèle l’intrigue ?
Ou responsabilité de révélation.
Exemple A :
MJ : « L’homme à la cicatrice choit à terre. »
Joueur : « Alors, qui a tué le témoin ?«
MJ : « C’est D’Agostino… Il est impliqué dans l’affaire de drogue…«
Ici, c’est le MJ qui lève le voile sur les secrets et mystères de l’histoire ou du monde.
Exemple B :
MJ : « L’homme à la cicatrice choit à terre. »
Joueur : « Je lui demande qui a tué le témoin et il me répond que c’est Conor, qu’il est mandaté par le sénateur Williams… »
Dans cet exemple, c’est le joueur lui-même qui décide des réponses aux mystères et aux secrets de l’histoire ou du monde. Dans ce cas, le MJ devra garder un contrôle fort sur d’autres éléments de la fiction. Cette manière de faire est particulièrement indiquée pour les jeux où le rôle de MJ est réparti entre plusieurs participants (voire tous), mais certains jeux (Inspectres ou Lady Blackbird par exemple) l’utilisent malgré la présence d’un seul MJ.
Donner aux joueurs la responsabilité de révélation fonctionne car les autres participants ne savent pas à l’avance ce que leur partenaire va inventer. Cela vise généralement à laisser l’histoire évoluer au gré des choix et de l’envie des joueurs plutôt que de les contraindre à suivre le plan du MJ.
3. Qui compose les situations ? De quelle manière ?
Ou responsabilité de situation.
Une situation est une rencontre entre les personnages et l’univers. Généralement, les éléments en place vont amener les joueurs à agir ou réagir, car sans action, pas d’histoire. La situation est le cœur du JDR.
Exemple A :
MJ : « Alors que vous marchez dans la rue, vous entendez une voix crier « au voleur » et vous voyez un homme courir dans votre direction, une besace à la main. »
Ici le MJ a planté seul une situation. Il peut avoir décrit sa situation dans un scénario, ou en avoir prévu la base (Un voleur à la tire tente de s’enfuir, la personne volée crie) et improviser la mise en scène, voire créer la situation au pied levé. Dans le jeu Dogs in the vineyard3, les joueurs commencent chacun une scène d’initiation en disant au MJ ce qu’ils veulent accomplir. Le MJ invente au pied levé une situation qui amènera le PJ à rencontrer des problèmes liés à l’accomplissement qu’il souhaite. Mais ensuite, les situations se créent d’une manière tout à fait différente.
Exemple B :
Joueur : « Je prends un raccourcis pour me rendre chez l’apothicaire à travers les rues mal famées. »
MJ : « Soudain tu entends une voix crier « Au voleur ! ».
Joueur : « Je me cache. »
MJ : « Tu vois un homme courir dans la direction où tu te trouvais, une besace à la main ».
Ici, le MJ a composé avec les décisions du joueur pour créer la situation à deux. Si le joueur n’avait pas décidé de faire passer son PJ par les rues mal famées, la scène n’aurait peut-être jamais eu lieu.
Exemple C :
Joueur : « Je prends un raccourcis pour me rendre chez l’apothicaire à travers les rues mal famées. »
MJ : « Soudain tu entends une voix crier « Au voleur ! ».
Joueur : « Je me retourne et là je vois un homme courir dans ma direction, je brandis mon épée et je lui crie : « arrête-toi si tu ne veux pas finir en pièce. »
Ici le joueur a carrément exploité la petite intervention du MJ pour enrichir de lui-même la situation. Le joueur aurait même pu composer la situation entière tout seul. Pour que ces techniques fonctionnent, il faut éviter au maximum de prévoir à l’avance ce qu’il va se passer, sous peine de parasiter sans cesse le scénario et la créativité des joueurs.
4. Qui détermine si une action échoue ou réussit ?
Ou responsabilité d’exécution.
J’ai pris la liberté d’ajouter cette responsabilité à la théorie qui vient à l’origine de The Forge4.
Dans de nombreux cas, le MJ décide des échecs et succès : dans les conflits sociaux, les actions anodines ou celles qui lui paraissent irréalisables. Le reste est souvent déterminé par les dés ou par une opposition de scores. Mais il est possible de faire bien autrement : par exemple dans les règles du « JDR sans règles5 », le joueur décide de la réussite ou de l’échec de tout ce qui relève des actions intimes, banales ou quotidiennes de son personnage, le MJ de tout ce qui relève du particulier et de l’héroïsme. Dans Karma, un jeu développé par un des membres du studio Gobz’ink6 les joueurs décident si leur PJ réussit ou échoue : une réussite coûte des jetons, un échec en rapporte donc, si on réussit trop au début, on ne pourra plus qu’échouer à la fin de la partie. Et bien souvent on passe par les dés, car un arbitrage aveugle et neutre est souvent plus satisfaisant que l’arbitraire d’une personne pour décider des réussites/victoires et des échecs/défaites car il crée de l’imprévu.
5. Qui raconte le résultat des actions ?
Ou responsabilité d’issues.
Résultat : une fois qu’on a lancé les dés, qui raconte le résultat ? D’ordinaire, c’est le MJ, mais c’est un exercice qui à long terme peut s’avérer éprouvant au bout du énième coup d’épée raté. Dans Dogs in the vineyard, le joueur en position défensive raconte les effets des coups physiques ou psychologiques que reçoit son personnage. Le joueur (ou MJ) vainqueur raconte la fin du conflit avec l’autorisation exceptionnelle de prendre le contrôle des personnages des autres (PNJ comme PJ). Mais cela fonctionne d’autant mieux que le jeu ne cherche pas à résoudre des tâches, mais des enjeux. On appelle cela « résolution de conflit » par opposition à la « résolution de tâche ». Au lieu de statuer sur la réussite d’un coup d’épée, on ne statue que sur des évènements qui font avancer l’histoire, comme par exemple la victoire d’un combat, l’humiliation d’un personnage, ou réussir à persuader quelqu’un. Vous trouverez un exemple simple de règles de résolution de conflit et de responsabilité d’issue alternative dans Le Pool7.
6. Quelles parties des PJ, des PNJ ou du monde, les autres ont-ils le droit de modifier ?
Ou propriétés.
Dans certains jeux, il est interdit de toucher aux personnages des autres, dans d’autres il est possible d’en faire ce qu’on veut ou de faire des propositions soumises à l’examen du joueur qui est responsable du personnage. Dans de nombreuses pratiques, les joueurs semblent avoir une emprise totale sur leur personnage.
Mais ça ne veut pas dire grand chose de manière générale, par exemple si les dés décident des blessures, le joueur ne décide pas de l’état corporel de son personnage. Une propriété facile à appréhender, c’est : les joueurs décident des paroles, actes et pensées de leurs personnages. Du coup, le MJ peut donner leurs perceptions, puisque cela est directement relié au monde. Dans certains jeux, on dira : aucun autre joueur ne peut dire ce que mon PJ dit, fait ou pense. Dans d’autres jeux, c’est plus souple. On parle « d’avoir le dernier mot » : tout le monde peut faire des propositions, mais le joueur propriétaire du personnage a le dernier mot pour garder ce qu’il veut et rejeter ce qui le gêne ou lui déplait.
Il est généralement délicat de tracer une ligne entre personnage et univers : si le joueur contrôle son personnage et le MJ le monde et les PNJ, quand un PNJ blesse un PJ, il y a transgression. Mais ce sont justement ces transgressions qui apportent du piment aux parties. Quand le joueur dit : « je brandis mon épée et je le frappe au visage », l’épée fait-elle partie de son personnage ? Fait-elle partie du monde dès qu’il la lâche ? le visage de l’adversaire ne lui appartient pas non plus. S’il n’a fait qu’exprimer une intention, ça passe encore, mais s’il décide que ça réussit, il a pris possession de quelque chose d’étranger à son personnage…
Conclusion
Ces responsabilités et propriétés peuvent être triturées dans tous les sens. Des choses qu’on laisse habituellement au MJ peuvent être attribuées aux joueurs, c’est de cette façon qu’on est arrivés à des JDR « sans MJ8 » qui fonctionnent vraiment9. Enfin, il faut penser que tout cela affecte considérablement la préparation des parties : ce qui préexiste : scénario, description de l’univers etc. Plus les joueurs ont de possibilités de créer l’histoire et le monde au pied levé, moins la préparation doit être rigide, plus elle doit être conçue comme « faisceaux de potentialités » (matériau malléable, mais fécond d’un point de vue de l’exploration, soit, de la génération de la fiction par le groupe).
1Christoph Boeckle a donné une définition des responsabilités et des propriétés ici : http://www.silentdrift.net/articles/nancy_resume003.pdf
2Un jeu Memento-mori : http://www.memento-mori.com/inspectres/
3Un jeu Lumpley games : http://www.lumpley.com/dogsources.html
4The Forge : http://www.indie-rpgs.com/forge/index.php
5Voir le site Anthologie : http://sansregle.free.fr/index.php?page=article&id=1
6Studio Gobz’Ink : http://www.shamzam.net/blog/
7Le Pool de James V. West : http://froudounich.free.fr/PDF/lepool_fr.pdf
8Par « JDR sans MJ », on entend généralement que tout le monde est plus ou moins MJ, ou plutôt que toutes les responsabilités habituellement dévolues au MJ sont réparties entre tous les joueurs.
9Cf. Zombie Cinema, un jeu Arkenstone Publishing : http://www.arkenstonepublishing.net/zombiecinema/resources
***
Mise à jour de l’article : 30/09/2012. Correction du chapitre dédié à la responsabilité de révélation.
Salut à tous.
J’aurais besoin de derniers playtests avant de finaliser Prosopopée. Oui, je parle bien de Prosopopée :
Prosopopée : La prosopopée est une figure de rhétorique. Elle consiste parfois à faire parler un mort, un animal, une chose personnifiée, une abstraction. Elle engendre une métamorphose complète du monde, pour avoir une meilleure attention du lecteur qui n’a plus de références au monde réel, et donc le persuader plus facilement (wikipedia).
Prosopopée vous propose d’incarner des Médiums, êtres humains capables de médiation avec le monde, voyageant pour en soigner les maux. Dans une époque lointaine, une cité humaine se dresse au milieu de forêts, de marécages et de montagnes fantastiques, peuplés d’animaux et d’êtres invisibles, dans lesquels demeurent des villages se heurtant aux difficultés de la vie au contact avec la nature. Les médiums étaient à l’origine de simples humains ayant un jour rencontré un esprit de la nature qui leur a insufflé une
part de lui-même. Depuis lors, un attribut étrange est apparu tel un stigmate sur leur corps et la capacité d’entrer en empathie et en communication avec toutes les substances du monde leur a été transmise : des éléments aux animaux en passant par les végétaux, le vide et les abstractions. Vous créerez et explorerez ce monde que vous allez rééquilibrer dans l’espoir de créer une osmose éternelle.
…donc cela n’inclue pas les modifications de mes dernières parties (Le Tourment et Néo-prosopopée).
Pour ma part, je vais tester dès que possible les dernières modifications du jeu, mais si d’autres que moi peuvent effectuer de tests supplémentaires, ça m’aiderait.
Les choses à tester sont :
- Les « sans-médiums » : joueurs ne possédant pas de médium pour le tableau. Ces joueurs peuvent développer le décor, les PNJ, se focaliser sur un ou plusieurs PNJ et ils doivent veiller à ce que des dP soient posés et à ce qu’ils ne soient pas aberrants dans les phénomènes qui y sont rattachés.
- La maîtrise des couleurs : quand un médium atteint un état de transcendance, son Peintre devient maître d’une Couleur sur le cercle des couleurs. Cela signifie qu’il a le dernier mot sur toutes les propositions concernant sa ou ses couleurs. La maîtrise des couleurs est la dernière étape vers l’osmose.
Dès que j’aurais testé ces deux points, je me lancerai dans la finalisation du texte du jeu.
Je vous envoie la dernière version du jeu sur demande à :
fredericsintes[arobas]hotmail.com (remplacer [arobas] par @)
Merci d’avance.
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