Une partie de JDR où le MJ a un maximum de contrôle devrait laisser aux joueurs au minimum le contrôle de la volonté de leurs PJ. Mais ce n’est pas toujours un acquis. Un espace de créativité est une partie du système qui donne du pouvoir aux joueurs sur certains éléments spécifiques de la fiction.
Les espaces de créativité canalisent les responsabilités, l’emprise des joueurs sur la partie. En donnant d’importants espaces de créativité aux joueurs, le MJ partage un peu de son autorité, il accepte de ne plus avoir un contrôle directif sur la partie. En terme de contrat social, donner une participation plus importante aux joueurs tend à favoriser leur implication dans la partie en les responsabilisant (voir « contrôle coopératif »). La qualité de la partie dépend à présent d’eux autant – ou presque – que du MJ.
Quelques exemples
Voici quelques exemples d’espaces de créativité :
- interpréter un personnage ;
- créativité tactique ;
- zoomer, dézoomer (voir réification)
- illustrer la manière dont une chose prédéterminée advient ;
- inventer une manière d’utiliser un pouvoir « ouvert » ;
- effectuer une narration de résultat ;
- décrire le décor ;
- contrôler des PNJ ;
- etc.
Chacun de ces exemples est pris hors contexte. Il s’agit d’espaces de créativité bruts.
Certains d’entre-eux ont un impact faible sur l’évolution de la partie, d’autres au contraire ont un impact fort.
« Interpréter un personnage », « zoomer, dézoomer » ou « inventer une manière d’utiliser un pouvoir ouvert » sont des espaces de créativité faibles, car ils n’ont que peu d’impact sur le déroulement de la partie.
« Effectuer une narration de résultat », « décrire le décor » ou « contrôler les PNJ » sont des espaces de créativité forts car ils ont un grand impact sur le déroulement de la partie. Généralement, ce type d’espaces de créativité nécessitent un système adapté à l’emprise qu’ils confèrent aux joueurs.
Les espaces de créativité sont intimement liés à la nature des choix que vous désirez explorer dans vos parties. Ils sont un moyen de renforcer l’importance de ces choix, de les développer comme élément fondamental du système.
Implication sur le système
Lorsqu’on donne aux joueurs la possibilité de modifier durant la partie d’importants éléments de la fiction, il faut s’attendre à ce qu’ils interfèrent avec une préparation figée de la partie.
Les espaces de créativité forts nécessitent un système qui prend en compte les incertitudes qu’ils génèrent.
Par exemple, laisser les joueurs effectuer les narrations de résultat durant une partie s’accorde mal avec un scénario prévoyant une certaine évolution de l’histoire, puisque cela renforce l’emprise des joueurs sur son développement. Cette technique s’accorde bien avec des préparations de situation ouvertes, voire pas de préparation de situation du tout.
Décrire le décor s’accorde mal avec un univers figé par avance, puisque les joueurs pourraient être amenés à contredire les informations prévues.
Contrôler les PNJ dilue l’une des principales responsabilités du MJ, cela demande d’adapter le rôle du MJ, voire de le répartir entre tous les participants.
Note : ces espaces de créativité peuvent être complètement dévolus aux joueurs ou partiellement : la narration de résultat par le joueur peut se faire seulement sur les victoires, seulement sur les échecs, sur tous les résultats, à la charge du joueur en position défensive lors d’un conflit, limité ou complètement libre…
La description du décor peut se limiter aux lieux que connaît le PJ, peut être partielle, soumise à conditions ou intégrale.
Contrôler les PNJ peut se limiter aux alliés, à certaines relations du PJ ou être ouverte à tous.
Implication dans la proposition créative
Les espaces de créativité dévolus aux joueurs sont fortement liés à la proposition créative d’un jeu ou d’une partie de JDR, voici différentes manières dont un espace de créativité peut s’inscrire dans une proposition créative :
- dans D&D, les joueurs (pas les personnages) ont comme principal espace de créativité, celui de gérer au mieux les ressources de leurs personnages disponibles et celles du décor, compte tenu des ressources de l’adversaire (avantages de distance, d’angle d’attaque, d’équipement contre équipement, d’utilisation judicieuse des dons, des sorts etc.). Le système est fait de telle manière que les joueurs qui feront les choix les plus efficaces au meilleur moment économiseront leurs points de vie et de magie durant les combats et parviendront mieux à accomplir leurs quêtes.
- Sens propose aux joueurs (et non aux personnages) de se focaliser sur la manière « appropriée » d’interpréter son personnage : les joueurs savent que le MJ juge la pertinence de leurs choix et la qualité de l’interprétation qu’ils font de leurs personnages. Le cadre est l’univers en lui-même et les références sont les « faits » (= traits) notés sur la fiche de personnage, choisis par le joueur lui-même. Durant le jeu, le MJ récompensera, via les « points d’immersion », la créativité des joueurs en jugeant de la pertinence et du respect des faits et de l’esthétique voulue pour la fiction. Ce phénomène se répète de différentes manières à différents niveaux du jeu (la réification fonctionne également sur un principe proche : le joueur précise de quelle manière il cherche à appréhender un problème, le MJ répond favorablement ou non s’il juge l’approche du joueur appropriée et créative).
- Un jeu comme Dogs in the Vineyard propose de jouer des prêtres-juges dont le rôle est de chasser le péché d’une communauté pieuse de l’ouest américain au XIXe siècle. Les joueurs (et pas les personnages) vont donc choisir comment juger les pécheurs (un sermon ou une balle dans la tête ?). Les joueurs peuvent narrer leurs victoires lorsqu’ils remportent un « conflit », mais ils peuvent aussi choisir partiellement les conséquences que le conflit aura sur leurs personnages. Ici, les joueurs ont un grand espace de créativité sur l’évolution de l’histoire : le choix de leurs actes au cœur de situations de crise et l’exploration de leurs conséquences. La préparation de la partie se résume à une série de révélations et maintient une vraie indétermination quant à la tournure que l’histoire va prendre. Ce simple fait offre aux joueurs de décider comment ils vont appréhender et régler les problèmes, ce qui constitue également un important espace de créativité.
- Dans Zombie Cinema, les joueurs (pas les personnages) se partagent les responsabilités du MJ et peuvent donc décrire le décor, les PNJ et l’évolution de l’histoire. Ça c’est un bon gros espace de créativité ! Principalement, le jeu est conçu de telle manière que l’histoire finit par amener les joueurs à faire se conduire leurs personnages comme des héros, des antihéros ou même de parfaits salauds. L’espace de créativité de ZC se focalise sur le caractère vertueux ou immoral des personnages, le contexte étant finalement plutôt secondaire. Les joueurs peuvent soutenir les joueurs en prêtant leur dé durant un conflit afin d’augmenter leurs chances de succès. Ce choix est généralement porté sur la sympathie ou l’antipathie éprouvée à l’égard d’un des belligérants. De même, un joueur peut sauver le personnage d’un autre de la menace zombie en sacrifiant son personnage. On se sacrifie généralement pour les personnages pour lesquels on éprouve de la sympathie.
Vertus des espaces de créativité
L’espace de créativité offre aux joueurs la possibilité de s’exprimer, de participer activement et grandement au développement de la fiction. Ce faisant, ils peuvent orienter la partie de manière à ce qu’elle s’adapte à leurs envies. Le cadre que constitue le système permet d’éviter que les participants ne partent dans des directions incompatibles. L’augmentation des échanges entre les participants favorise l’harmonisation des attentes et de leurs réponses.
Il existe un très grand nombre de façons d’amener des espaces de créativité dans vos jeux ou durant vos parties. Ils n’ont pas besoin d’être très grands pour remplir leur rôle. Quelle que soit leur nature, ils permettent de renforcer la cohésion autour de votre table s’ils sont convenablement soutenus par l’ensemble de votre système.
N’hésitez pas à poser des questions ou à commenter cet article.
Le contrat social désigne tout ce qui se réfère aux participants dans une partie de JDR, aussi bien la cohésion du groupe, les aspects logistiques, l’observation des règles, le fait d’accepter de jouer le jeu, le fait de produire un contenu conforme aux attentes du groupe, la congruence des participants entre eux et avec tous ces éléments.
Les bases
Démarches sociales
Les démarches sociales sont la manière dont les participants acceptent de se comporter durant la partie les uns envers les autres. Meguey Baker propose une distinction de deux types de démarches sociales :
« Personne ne sera blessé » et « Je ne vous abandonnerai pas »
Personne ne sera blessé est une démarche sociale excluant l’idée d’aborder des thèmes sensibles ou difficiles, de manière à éviter toute forme de malaise ; cette démarche met une limite franche, les participants doivent s’y conformer.
Je ne vous abandonnerai pas signifie que l’on souhaite aborder des thèmes sensibles ou difficiles et que l’on compte réunir les conditions adéquates à ce que cela se passe bien. Cela signifie que chaque participant doit observer une posture respectueuse à l’égard de ses partenaires et de leurs participations ; accorder de l’intérêt et de la légitimité à tout ce qui se dit et qui est acceptable pour votre partie, bien sûr, et ne jamais les laisser tomber, les railler, les duper etc.
Lignes et voiles
Les éléments de fiction problématiques durant une partie de JDR se centrent généralement autour de la violence et du sexe. Emily Care Boss propose dans Breaking the Ice de définir les lignes et les voiles :
- les lignes signifient que l’on pose des limites quant à la possibilité ou non d’intégrer, voire d’évoquer la violence et/ou le sexe dans la partie ;
- les voiles signifient que si l’on accepte la présence de violence et/ou de sexe, on ne les décrit pas.
Et l’on suit le choix du participant qui place les limites au plus bas.
Approche d’un jeu
Je vous propose à présent mes propres réflexions.
Tout ce que je rapporte est aussi valable pour le MJ que pour les joueurs.
Quel que soit le jeu que vous proposez, vous avez plusieurs approches possibles de la part de chaque participant :
- N’a pas vraiment envie d’être là : se sent obligé, joue pour des raisons complètement extérieures au jeu lui-même, généralement problématiques ; le jeu n’est pas du tout ce à quoi il/elle s’attendait et ne lui convient pas du tout, etc.
- Est gêné : a peur de décevoir, d’être jugé, de gâcher la partie ; le thème du jeu le/la dérange, etc.
- Est là faute de mieux : préfèrerait jouer à un autre jeu ou faire une autre activité, mais s’en accommode…
- Est là par curiosité : décide de tenter l’expérience, mais n’a pas une parfaite confiance en le jeu ou ses participants ; a entendu du bien du jeu ou des participants, mais ne sait pas vraiment si la partie va lui convenir etc.
- Est motivé et présent en connaissance de cause : déterminé à tirer le meilleur parti du jeu pour tous avec respect et confiance envers ses partenaires et le jeu.
Plus le numéro de liste est élevé, plus l’implication du participant a de chances d’être bonne.
Ainsi, produire les meilleures conditions d’inclusion de chaque membre du groupe peut nécessiter de se mettre d’accord, quitte à changer de jeu ou à modifier le groupe (c.a.d. Le ou les participants rencontrant des problèmes d’intégration au groupe pourront être amenés à le quitter).
Le fait que les participants puissent eux-mêmes orienter le contenu d’une partie via la préparation de la partie elle-même est un bon moyen pour réduire les risques.
On ne peut pas obtenir quelque chose contre le groupe, on ne peut pas lui imposer quelque chose qu’il n’accepte pas, qui le frustre ou ne l’intéresse pas sans nuire à la dynamique de groupe et donc à la partie.
Relations interpersonnelles
Conditions individuelles pour aider à harmoniser le groupe :
- le respect des opinions des autres (tolérance) ;
- la volonté de coopération, l’appui réciproque ;
- l’acceptation des critiques ;
- la discipline librement consentie ;
- la confiance réciproque et le tact ;
- la connaissance et la perception explicites du but ;
- la solidarité, l’estime, la sympathie ;
- l’amitié, l’affection…1
Cas de figure particuliers
Quand un participant va à contre-courant ou détourne le contrat social
Un participant peut jouer un personnage décalé en regard du sujet du jeu, ou adopter un comportement spécifique inadéquat, monopoliser la parole, ne pas oser participer…
Il peut simplement avoir du mal à se détacher de ses habitudes de jeu pour coller aux exigences de la partie ou ce peut être un parti pris délibéré.
- Dans le cas où le participant peine à se détacher de ses habitudes, l’idéal, c’est de parvenir à lui expliquer les spécificités de votre jeu et de l’aider à comprendre comment les respecter.
- Dans le cas où le parti pris est délibéré, ça vaut le coup d’en discuter et d’expliquer en quoi un tel parti pris contrevient à l’esprit de votre jeu ou de votre partie.
Quand cela ne suffit pas, d’autres éléments abordés dans cet article sont probablement en cause.
Un participant sabote volontairement la partie
Le sabotage de partie volontaire est une rupture pure et simple du contrat social, c’est la façon la plus extrême et la plus dommageable de prendre plaisir pour soi uniquement, au détriment des autres.
Le participant agit sciemment de façon purement arbitraire, aberrante, voire en dépit de la fiction, ne respecte pas les règles ou les responsabilités de chacun, fait peser les problèmes relationnels avec d’autres participants dans le jeu, cherche à asseoir sa domination sur les autres participants alors que le jeu ne le prévoit pas etc.
Faire si peu de cas du contrat social brise la confiance entre les participants, c’est difficilement réparable. Vous n’aurez souvent que peu d’alternatives pour régler le problème dont la principale consiste à modifier le groupe (autrement dit dans la plupart des cas : virer l’élément perturbateur).
Cependant… parfois, les comportements sont exacerbés par la frustration, le déplaisir et l’ennui, ainsi que tous les biais relationnels. C’est l’occasion de remettre en question votre manière de jouer et de jouer ensemble.
Je constate par exemple, que lorsque malgré tous les efforts possibles, je m’ennuie à une table, je digresse beaucoup plus facilement.
Le test de jeux en cours de développement favorise les problèmes de contrat social quand un ou plusieurs participants ne savent pas que le jeu n’est pas encore bien ficelé et peut donc créer de mauvaises surprises, comme ne pas pouvoir finir la partie ou créer des incohérences significatives.
Les questions d’autorité
Qui explique le jeu et ses règles ? Qui gère les problèmes à la table ? Qui est l’instigateur de la partie ? Qui décide du déroulement de la partie ? Etc.
La façon dont la ou les personnes dépositaires de l’autorité exercent un « contrôle » sur le groupe peut avoir un grand impact sur sa cohésion et sur la satisfaction retirée de la partie jouée.
Une expérience de psychologie sociale menée par Kurt Lewin, Lippitt et White2 en 1939 démontre que certaines formes de leadership ont une influence sur la tâche produite en groupe et sur la satisfaction qui en est retirée.
Je ne vais pas vous l’expliquer en détail, mais globalement, voici ce que l’on peut en retenir :
L’expérience consistait à faire effectuer à différents groupes la même tâche, mais avec une organisation différente.
- Un contrôle directif (ou autocratique) de l’animateur, prenant la plupart des décisions en définitive, décidant, voire imposant la marche à suivre.
- Un contrôle coopératif, (ou démocratique) où l’interaction est possible à tous les niveaux, les décisions sont prises communément l’animateur participe également et régule les tâches, en donnant toutefois d’importantes responsabilités aux autres participants.
- Le troisième type de contrôle (Laisser-faire) consiste à placer l’animateur en retrait, à laisser faire en toute liberté les autres participants.
Résultat
- Contrôle directif : produit très peu de satisfaction personnelle ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est plutôt faible et divergente entre les individus.
- Contrôle coopératif : produit un bon niveau de satisfaction personnelle et de cohésion ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est élevée.
- Contrôle « laisser-faire » : crée des satisfactions personnelles très inégales ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est divergente et plutôt moyenne.
Si l’on adhère à cette expérience de science sociale et que l’on estime que le JDR, en tant qu’activité de groupe, fonctionne sur un principe similaire, on peut envisager que donner d’importantes responsabilités, libertés et espaces de créativité à tous les participants est sans doute le meilleur moyen d’obtenir une bonne cohésion du groupe, une satisfaction haute et un résultat abouti.
Cela n’a rien à voir avec la centralisation du rôle d’un MJ ou avec sa répartition (ce que certains appellent JDR sans MJ), mais avec la nature du contrôle exercé par l’animateur de la partie : celui qui propose le jeu et en explique les règles qui peut être un MJ ou un participant comme les autres.
Même dans un jeu « sans MJ », l’un des participants fera office d’animateur et exercera donc un contrôle.
Un JDR fonctionnant selon un contrôle « laisser-faire » partirait du principe qu’il n’y aurait pas de structure pré-établie, pas vraiment de règles prédéfinies et créerait une certaine désorganisation. Les parties « improvisées sans MJ », sans la structure de règles spécialement construites pour jouer de cette manière seraient les plus à même à produire ce type de résultat.
Ces responsabilités, libertés et espaces de créativité peuvent porter sur de nombreuses choses : l’évolution de l’histoire, la création du décor, l’élaboration de tactiques, la possibilité d’éprouver la cohérence de la fiction etc.
Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain article.
Commentaires
Le but de ces principes, c’est de vous aider à régler un certain nombre de problèmes parfois assez difficile à cerner.
Je serais très intéressé par vos retours au sujet de l’utilisation de la mise en place des méthodes présentées.
En ce qui me concerne, je les applique continuellement et j’admets obtenir d’excellents résultats.
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Voilà une question qui m’a valu de belles déconvenues autant joueur que MJ : quand un jeu propose de créer toute une variété de personnages avec des compétences et des talents hétéroclites, mais qui ne s’imbriquent pas dans une partie, le joueur tend à se trouver inefficace et n’a donc aucun moyen d’appréhender les enjeux forts du scénario.
C’est vrai : quoi de pire que de construire un personnage possédant de super-facultés-qu’on-crève-d’envie-de-les-expérimenter et de ne jamais pouvoir les utiliser dans la partie, voire, dans la campagne ?
Les responsables
Les scénarios qui prévoient à l’avance les enjeux que devront affronter les PJ entrent en contradiction avec une proposition de PJ possibles beaucoup trop lâche en regard de ce que l’on peut vraiment jouer avec le jeu, ou de ce que vous-même souhaitez en faire = la marge de compatibilité entre la partie jouée et les types de PJ risquent de se trouver extrêmement faiblarde.
J’ai vu un barde sans talents de combat devoir rejoindre une bataille contre des créatures ignobles, un joueur avec la compétence « accouchement », jamais utilisée sur une campagne jouée sur presque deux ans, des personnages avec un background ou des croyances jamais mise en application, et des personnages ne pouvant rien faire dans une situation donnée (à la pelle) !
Des solutions
- Choisir la forme de vos histoires : établir ce que font les PJ dans vos histoires, si le jeu repose sur l’enquête, les PJ doivent être des enquêteurs, donnez-leur donc de quoi enquêter, le reste est un plus ; si le jeu est orienté baston, donnez-leur de quoi se battre et faites en sorte qu’aucun participant ne soit trop faible dans ses disciplines martiales pour assurer un combat ; si c’est une romance, donnez-leur le moyen de la construire par leurs histoires personnelles, leurs croyances, leurs relations etc. de plus, si ces éléments ont une répercussion sur les mécaniques de jeu, c’est encore plus fort. Plus vous chercherez à diversifier la forme de vos histoires dans un seul et même jeu et plus vous risquerez de distendre la marge de compatibilité.
- Proposer des compétences/talents/traits/pouvoirs/background qui peuvent être utilisés dans un maximum de situations, histoire d’éviter les parties ou chacun joue quand enfin l’enjeu de la situation se rapporte à ses capacités. La spécialisation à l’extrême, c’est le mal.
- Écrire des scénarios adaptés à la forme de vos histoires et ne permettez pas aux joueurs de créer des personnages inadaptés à vos scénarios (c’est tellement évident et pourtant, si peu mis en pratique).
- Écrire des préparations de situations ouvertes, plutôt que des scénarios composés en successions de scènes et d’événements rigides. Moins l’évolution de l’histoire est prédéterminée, plus les joueurs pourront placer leurs compétences/talents/traits/pouvoirs/background dans les situations rencontrées. Celui qui « lutte contre les hérésies », plutôt que d’attendre de rencontrer un hérétique, pourra le suggérer au MJ, qui lui-même peut consulter les fiches de personnage et adapter ses situations en fonction de leur contenu, celui qui est médecin pourra rencontrer des cas où ses compétences médicales seront nécessaires etc.
- Écrire des pré-tirés fortement liés aux enjeux de votre scénario, ou de votre préparation de situation.
Bien sûr, il ne s’agit pas de faire tout cela à la fois, mais de choisir un cocktail de ces solutions selon votre convenance.
Même si votre jeu propose de jouer des personnages inadaptés aux situations qu’ils vont rencontrer, leur inadaptation doit être gérée comme une façon de rendre les personnages efficaces dans l’évolution souhaitée pour l’histoire, par exemple : en reportant l’inaptitude sur des conséquences désastreuses de leurs actions, sans faire en sorte que les PJ ratent tout ce qu’ils entreprennent, ce qui peut vite tourner au festival de l’ennui.
Et vous, comment évitez-vous ces incompatibilités ?
Salut à tous, ça fait déjà plusieurs semaines que je l’ai lancée : [button link= »http://www.facebook.com/pages/Limbic-Systems/330894356945876″ color= »#4682B4″ size= »3″ style= »2″ dark= »0″ radius= »auto » target= »blank »]ma page Facebook[/button]
N’hésitez pas à y faire un tour, c’est un autre moyen d’échanger sur nos sujets préférés.
Il m’est arrivé plusieurs fois de dire que je n’aimais pas les discussions qui s’éternisent entre joueurs. Je constate que c’est souvent perçu comme un point fondamental de la pratique de nombre de rôlistes, voire, un gage de qualité.
Bien entendu, loin de moi l’idée d’interdire aux joueurs de faire discuter leurs personnages entre eux, notamment quand les enjeux de la partie nécessitent que les PJ règlent des désaccords.
En revanche, il existe un certain nombre de cas de figure qui, accusant certains biais, peuvent s’éterniser et nuire à la qualité de la partie.
Je vous propose de nous pencher dessus et d’observer les moyens d’y remédier.
1) Convaincre l’autre
Lorsqu’un conflit oppose deux personnages, les participants pourront être amenés à discuter avec plus ou moins de véhémence en cherchant à convaincre l’autre et à se départager par plus de théâtralité ou en cherchant les arguments massue. Lorsqu’aucun moyen de les départager n’est prévu, il peut arriver que chacun campe sur ses positions.
Cela peut arriver entre joueur et MJ, mais aussi et surtout entre joueurs. Le MJ de par ses responsabilités tournera la page pour faire évoluer l’histoire, soit en décidant que les joueurs ont produit suffisamment d’efforts, soit en trouvant un moyen de signifier leur échec par un rebondissement. Notez qu’il arrive fréquemment que des MJ avouent être trop « gentils » avec leurs joueurs ou au contraire ne pas savoir céder et leur donner gain de cause.
Pire, les dissensions entre joueurs peuvent ne jamais se résoudre, ou presque, quand chacun défend corps et âme la cause de son PJ.
En quoi ça peut poser problème ?
- Le joueur se rendant compte de l’arbitraire du jugement du MJ peut se sentir frustré de voir que ses efforts ne servent à rien ; souvent le simple fait de n’avoir aucune idée de ce que le MJ attend d’eux peut attiser la frustration des joueurs ;
- quand au contraire le MJ est trop coulant, la résolution est trop facile et peut décevoir les joueurs ;
- les joueurs peuvent s’adonner à la surenchère ce qui peut détruire toute subtilité dans les conflits verbaux, voire pousser les joueurs à utiliser des moyens disproportionnés pour atteindre un objectif pas si important que ça.
Comment éviter ces excès ?
On peut expliquer la difficulté à résoudre ces situations du fait que les enjeux fictifs n’auront jamais sur les participants le poids qu’ils sont censés avoir sur les personnages.
Pour restituer aux joueurs des enjeux à leur niveau, il faut :
- permettre de trancher et d’établir de la manière la moins arbitraire possible qui obtient gain de cause ;
- il est primordial que les participants puissent mesurer l’impact de leurs propos au cours de l’échange ;
- un simple jet de dés est souvent mal venu puisqu’il ne prend pas en compte l’effort généré par les participants, ni le poids des enjeux.
Des mécaniques de négociation et de transactions permettront aux participants de mettre fin à leur échange par un choix : qu’est-ce que je sacrifie contre gain de cause ?
Il peut s’agir aussi bien de répercuter cela sur une jauge d’honneur du personnage, que d’influer sur la qualité de ses relations, sur ses croyances, sur sa volonté etc.
2) Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
Quand les enjeux des situations sont trop insaisissables pour les joueurs, que le scénario ou le MJ ne donnent pas suffisamment de clés aux joueurs pour qu’ils connaissent (ou envisagent) leurs objectifs, leurs raisons d’agir, les risques et/ou les gains possibles, les joueurs auront tendance à spéculer sur ces points aussi longtemps qu’ils n’auront pas le sentiment d’avoir clarifié la situation.
Bien sûr, moins la situation est claire, plus leurs estimations auront de chances d’être approximatives et donc loin de la réalité.
En quoi ça peut poser problème ?
- Cela est générateur de situations burlesques et de quiproquos, ce qui peut valoir le coup si vous jouez des parties humoristiques et des histoires d’antihéros, mais dans de nombreux cas, c’est inadapté ;
- ce temps passé à spéculer et à tergiverser pourrait être utilisé pour vivre des événements riches en émotions ;
- ça dilue terriblement le rythme des parties quand c’est fréquent ;
- à trop mener les joueurs en bateau, vous risquez de vous amuser à leurs dépends.
Comment éviter ces excès ?
- Comprenez que l’on peut créer du mystère et des surprises sans laisser les joueurs dans une complète ignorance des objectifs, des raisons d’agir, des risques et/ des gains possibles ;
- un bon coup de théâtre est toujours amorcé en amont d’un histoire, il ne s’agit donc pas de laisser un flou total sur les événements, mais de laisser quelques points d’interrogation que vous résoudrez à la fin ;
- les secrets et les mystères ne sont pas le seul moteur du plaisir en jeu de rôle, tâchez de créer des situations avec des enjeux explicites plutôt que de toujours noyer le poisson ;
- prévoyez des successions de révélations plutôt que seulement des mystères ;
- si les joueurs pensent que le MJ cherche à les piéger, ils seront plus frileux à l’idée de se lancer et tendront à passer plus de temps à examiner les situations sous tous les angles ; ça vaut le coup que les joueurs aient des garanties qu’ils ne pourront pas mourir sur un coup de tête, ni sur un bête lancer de dés et pareillement, que le MJ ne cherchera pas à les piéger.
On aurait envie de créer des révélations spectaculaires à la fin de nos parties et par crainte que ça tombe à l’eau, on a tendance à plonger les joueurs dans le brouillard. S’ils ne peuvent rien deviner, la surprise fonctionnera à plein.
Ce fonctionnement risque de provoquer plus d’ennui que de plaisir, veillez à donner de la matière aux joueurs et de véritables enjeux pendant la partie et non pas seulement à la fin. N’hésitez pas à créer plusieurs intrigues pour les occuper en attendant la révélation finale si vous souhaitez absolument amener un coup de théâtre final.
3) Établir une tactique
Dans des moments forts, il peut arriver que les joueurs doivent élaborer des tactiques pour optimiser leurs chances d’atteindre leur but.
Un choix tactique peut se situer à plusieurs niveaux :
- il peut s’agir de gérer au mieux les possibilités qu’offre le système de résolution ;
- il peut s’agir de gérer au mieux ses propres ressources (armes, pouvoirs, talents etc.) ;
- il peut s’agir de conjuguer au mieux les qualités de plusieurs personnages.
C’est ce dernier cas de figure qui entraîne généralement les joueurs à discuter entre eux des meilleures décisions à prendre.
En quoi ça peut poser problème ?
- Dans le cas où l’élaboration de la tactique est purement spéculative ;
- dans le cas où les joueurs ne sont pas d’accord sur la tactique à aborder.
Comment éviter ces excès ?
- Il faut que les risques et les gains possibles soient clairs ;
- les avantages et les désavantages doivent être majoritairement clairs ;
- si les joueurs sont en désaccords, ils doivent pouvoir régler facilement leur litige (cf. le point « 1) Convaincre l’autre »).
4) Trancher un dilemme
Dans certains cas de figure, les joueurs peuvent discuter longuement du choix à faire face à un dilemme.
Un dilemme propose plusieurs choix dont aucun n’est meilleur que les autres. Chacun implique de sacrifier quelque chose d’important.
En quoi ça peut poser problème ?
- Quand les joueurs ne sont pas d’accord sur le choix à faire ; généralement lié au fait que les avantages et inconvénients de chaque choix n’aient pas les mêmes répercussions pour chaque personnage ;
- quand les joueurs cherchent un compromis, ils peuvent dépenser une énergie folle à ne pas accepter le choix que leur oppose le dilemme et peuvent perdre beaucoup de temps.
Comment éviter ces excès ?
- Un dilemme est plus fort s’il s’adresse à une seule personne plutôt qu’à un groupe, car il doit toucher aux valeurs du personnage et du joueur et demander de choisir entre deux choses qui l’affectent personnellement et vont définir sa propre éthique ;
- comme le dilemme porte sur les valeurs éthiques, s’il vise à confronter les divergences entre les valeurs de plusieurs personnages/joueurs, il faut permettre aux joueurs de se départager facilement (cf. le point « 1) Convaincre l’autre ») ;
- un véritable dilemme doit être clair sur le fait qu’il n’existe pas de compromis : si je dois choisir entre vivre et sauver le monde, il ne devrait pas être possible de survivre tout en sauvant le monde, ni de subir une blessure non létale tout en sauvant la majorité du monde.
***
Voilà, si comme moi vous n’appréciez pas quand les joueurs passent beaucoup de temps à tourner en rond autour de ces points, ces quelques réflexions devraient vous être utiles.
N’hésitez pas à apporter votre point de vue en commentaire.
Mushishi est une série animée réalisée par Hiroshi Nagahama, adaptée d’un manga écrit et illustré par Yuki Urushibara.
Mushishi suit le voyage de Ginko, un homme aux cheveux blancs malgré son jeune âge et aux yeux d’un vert étrange, capable de voir et de comprendre les mushi, créature invisibles peuplant le monde, les plus proches de la source de vie parmi le règne animal et végétal.
Ces êtres peuvent prendre des apparence simples de vers, comme celles plus complexes de dragons, de fantômes ou d’infestation de rouille…
Par leur présence, les mushi peuvent s’avérer bienfaiteurs ou causer maladies et affections diverses.
Ginko aide les populations à soigner leurs afflictions tout en préservant les mushi.
Il s’agit d’un des plus beaux animés qu’il m’ait été donné de voir. Je vous propose de décortiquer ici la relation entre mon jeu et son influence principale.
Le mystère et la beauté
Ce qui m’a intéressé lorsque j’ai commencé à travailler sur Prosopopée, c’était de pouvoir explorer un univers rempli de mystères et de beauté. Dans Mushishi, Ginko le héros en sait plus sur le fonctionnement du monde et sur les mushi que n’importe quel autre personnage. J’avais donc deux choix : soit pré-établir un ensemble de savoirs que les joueurs devraient connaître, soit laisser les joueurs inventer eux-mêmes ces savoirs durant la partie. J’ai opté pour la deuxième solution dans un soucis de simplicité et parce que l’idée de permettre aux joueurs d’être créatifs sur ce point me séduisait particulièrement.
Un jeu zen et contemplatif
Un autre aspect important, c’était de pouvoir faire de ce jeu, un jeu zen et contemplatif. J’ai en effet toujours été attiré par les mythologies shintoistes, bouddhistes et la relation au monde qu’elles portent, notamment en portant un message écologique.
Mushishi interroge la relation de l’humain à son environnement et à sa compréhension du monde.
Après différents essais où le MJ tentait d’amener lui-même cette dimension, j’ai tenté, suite à une partie du jeu de rôle d’In a Wicked Age de Vincent Baker, de laisser les joueurs créer l’univers pendant la partie. Il s’est avéré que cela les incitait à s’intéresser davantage au décor, on pouvait passer du temps à décrire aussi bien une fleur, qu’une montagne et l’histoire d’un peuple.
De plus, après lecture de Breaking the Ice d’Emily Care Boss, j’ai intégré l’idée de récompenser les narrations des autres participants qui nous plaisent. Dans Breaking the Ice, il s’agit d’un parallèle avec la séduction qui est censée opérer entre les personnages. Dans Prosopopée, il s’agit d’une incitation à narrer de belles choses le résultat est au delà de mes espérances : cette technique permet de rendre explicite le plaisir que chacun prend et crée donc un cercle vertueux d’incitation à dire et à faire de belles choses.
De plus, entre l’apparition d’un problème et sa résolution, il s’écoule un certain temps. Les joueurs ne sont donc pas amenés à réagir immédiatement, mais ils prennent le temps d’explorer la situation et de comprendre les problèmes avant de chercher à les résoudre.
C’est encore Mushishi qui m’a permis d’envisager une telle structure : Ginko arrive dans un lieu, il découvre une succession de problèmes, les étudie, les comprend puis les résout dans la mesure du possible.
Les joueurs doivent doser leurs actes, s’ils lancent trop de dés, ils ne réussiront pas aussi bien que s’ils en lancent le bon nombre. Les conséquences sont rarement purement positives ou négatives, un échec de jet de dés est plus un prétexte pour amener du changement et faire de nouvelles narrations, étoffer l’univers et la situation. Les échecs se répercutent principalement sur les populations que l’on tente d’aider.
Des héros altruistes
Dans Mushishi, Ginko est altruiste : il aide les gens qu’il rencontre sans forcément exiger quelque chose en retour. Il récupère généralement des « reliques » de mushi qu’il revend, mais ce n’est pas sa principale raison d’agir. Ce point là m’intéressait particulièrement, puisque c’était un véritable défi pour un jeu de rôle où la majorité de mes expériences tendaient à un individualisme forcené.
Trois points importants m’ont permis d’amener les joueurs à jouer des héros altruistes :
- les problèmes ne touchent que les personnages secondaires, jamais les héros ;
- les héros sont protégés, les autres joueurs ne peuvent pas leur faire subir des choses arbitrairement ;
- il n’y a pas de gain de puissance, les héros se développent esthétiquement, ils peuvent changer d’apparence, savoir faire de nouvelles choses, mais il n’y a pas d’optimisation possible.
Dans Mushishi, Ginko est rarement affecté par les problèmes, il prend parfois de gros risques pour aider les autres, il risque sa vie, il perd même un œil, mais l’enjeu est rarement centré sur lui. C’est lui en revanche qui agit et qui trouve les solutions la plupart du temps.
On retrouve ce schéma de héros itinérants et altruistes dans beaucoup d’histoires japonaises. Sans doute héritées des traditionnels médecins itinérants et autres professions de voyageurs.
La justification dans la fiction
Les connaissances et perceptions extraordinaires de Ginko sont justifiées du fait qu’il a lui même vécu une expérience extraordinaire avec un mushi.
Pour qu’une partie de Prosopopée soit un rêve éveillé, toutes les techniques employées par le jeu ont une justification dans la fiction : le don de dés est une offrande que des divinités, incarnées par les joueurs, se font entre-elles, les héros ne peuvent pas être affectés par les problèmes rencontrés parce qu’ils sont habités par une divinité etc.
Pour finir
Au final, je suis parvenu à quelque chose que je n’aurais jamais cru possible au départ. Le fait de pouvoir m’inspirer des spécificités d’une fiction linéaire a été décisif dans la construction de mon jeu. Mais sur un certain nombre de partis pris, j’ai pris de la distance avec Mushishi. Il n’est pas nécessaire de connaître la série animée pour pouvoir jouer au jeu, je ne me réclame d’aucune licence, car Prosopopée a sa propre forme et peut produire des histoires proches comme différentes de son inspiration au final. C’est aussi une des spécificités du jeu de rôle. La création d’un jeu vous échappe en partie et ce qu’en feront les joueurs dépassera l’idée que vous vous en faites, c’est un de ses aspects qui me plaît par dessus tout.
Bonjour à tous,
Prosopopée est enfin disponible en version papier sur Lulu !
Prosopopée est un jeu qui vous emmène explorer des mondes imaginaires, oniriques et poétiques créés par des divinités, à la manière de peintres donnant vie à leurs tableaux.
Vous allez vivre l’histoire d’êtres surnaturels qui aident les communautés humaines subissant les forces de la nature et du monde des esprits.
C’est un jeu dans lequel les joueurs construisent ensemble une histoire en se partageant la narration avec le soutien de quelques règles. Prosopopée vous permet d’exprimer votre créativité et d’être acteur de vos histoires.
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Certains éléments de contenu facilitent la mise en scène en jeu de rôle. Pour cet article, j’aimerais aborder les contraintes et les habitudes des personnages.
- Les contraintes sont des choses que le personnage est normalement tenu de faire : exercer son métier, répondre à son devoir, respecter les lois etc.
- Les habitudes sont des choses que le personnage choisit de faire de façon routinière : aller au cinéma, voir ses amis, se perfectionner aux arts martiaux etc.
Souvent, ces choses-là sont prises en compte ne serait-ce qu’intuitivement pendant le jeu, mais lorsqu’on les fixe avant le début de la partie, cela permet de faciliter la préparation et l’improvisation des scènes.
Prenons un exemple
C’est en jouant à mon jeu Bienvenue à Poudlard que j’ai pris conscience de l’importance des contraintes et habitudes : les PJ sont des élèves dans une école de sorcellerie et ont donc beaucoup de devoirs et d’interdits.
Bienvenue à Poudlard |
|
Contraintes | Habitudes |
---|---|
Ils n’ont pas le droit de sortir de l’école | Ils ont des loisirs (Quidditch, club d’échecs sorciers, club de bavboules etc.) |
Ils n’ont pas le droit de sortir de leur dortoir après le couvre-feu | Ils peuvent participer à des sorties scolaires |
Ils doivent aller en cours | Ils passent du temps avec leurs amis |
Ils doivent faire leurs devoirs | Des fêtes sont données à l’école |
Ils peuvent avoir des punitions s’ils contreviennent au règlement | Ils ont des récréations |
Ils ont des heures d’études à la bibliothèque | Ils ont des vacances |
Ils mangent à heure fixe | Ils ont des weekends |
… | Ils mangent tous ensemble |
… |
Ces contraintes et habitudes sont d’importants facilitateurs pour l’improvisation, mais également pour préparer des scènes.
Si en tant que MJ, je veux faire combattre les PJ contre une créature, je n’ai qu’à décider qu’elle s’échappe de sa cage durant un cours (si c’est vraisemblable bien entendu) ou qu’elle rôde autour de l’école. Dans le cas où la créature survient pendant un cours que suivent les PJ, la rencontre peut être imposée aux joueurs sans que cela ne bride leur liberté, puisque la rencontre est liée à une contrainte admise par les joueurs : on est des élèves, on a donc des heures de cours obligatoire toute la semaine.
Si en tant que MJ, je lance une scène de rivalité entre élèves en impro, je peux décider que ça se passe dans l’intercours, ou pendant la récréation, pendant une heure d’étude à la bibliothèque, pendant un cours etc. Je n’ai que l’embarras du choix. Encore une fois, qu’un événement survienne dans un contexte routinier légitime le fait qu’il ne soit pas révélé suite aux actions des PJ initiées par les joueurs.
Bien entendu, Bienvenue à Poudlard se jouant dans l’univers d’Harry Potter, il y a bien plus de choses qui nous aident à stimuler notre imaginaire pendant une partie du jeu, mais ces éléments là me paraissent fondamentaux concernant la facilitation de mise en scène. Ils fonctionnent même avec les joueurs qui ne connaissent pas l’univers de Harry Potter.
Autres exemples de contraintes et habitudes
Contraintes | Habitudes | |
---|---|---|
Dogs in the Vineyard | Les PJ doivent chasser le péché des villes qui leurs sont assignées | Ils ont toutes sortes de rites |
Ils doivent pratiquer les offices religieux et aider ceux qui leur demandent de l’aide | Leur peuple ont des eus et coutumes spécifiques | |
Ils sont responsables de l’état dans lequel ils laissent les villes | Ils sont généralement acclamés par les villes qui les reçoivent | |
Ils sont les garants de la loi divine | Ils ont une marge de manœuvre dans leurs interprétation de ce qui est moral ou non | |
… | … | |
Polaris, chivalric tragedy at the utmost north | Les chevaliers doivent protéger leur peuple | Ils vivent dans les vestiges de la grande cité |
Ils doivent combattre les démons | Selon les saisons, leur rôle change et les activités de leur peuple également | |
Ils ont également des responsabilités à l’égard de leurs proches | Ils voyagent souvent | |
Ils sont voués à mourir ou trahir leur peuple | Les relations affectives et hiérarchiques ainsi que leurs ennemis ont une grande importance dans l’histoire | |
Ils sont aux ordres de leurs supérieurs | … | |
… |
Pour conclure
Un jeu où l’on ne sait pas avant la création des PJ quelle activité ils exerceront, dans quel contexte, quelles sont les limitations, les lois etc. tendra à augmenter la difficulté à créer une compatibilité entre la préparation de la partie par le MJ (situation, scénario etc.) et la création des PJ.
Un jeu où l’on ne sait rien de la routine d’un personnage : son activité, ses habitudes etc. tendra à causer plus de difficultés pour démarrer les scènes en impro. En effet, si je sais que le PJ d’un autre joueur est détective, je peux le lancer sur les traces d’un criminel. Si je ne sais pas vraiment quelle est la routine de mon propre personnage, il y a des chances pour que je doive faire un effort supplémentaire pour cadrer sa scène. Si un autre participant (le MJ par exemple) doit cadrer une scène pour mon personnage, il doit en connaître assez sur lui pour ne pas trahir l’image que j’en ai. Il est bienvenu de me poser des questions pour en savoir plus sur mon personnage.
Cette réflexion vient en complément des articles Les trois dimensions et Le JDR est potentialité.
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