Posts by: Frédéric Sintes

Écrire des jeux de rôle me passionne depuis toujours, ou presque. J’ai écrit mes premiers simulacres de JDR quand j’avais 11 ans et mon premier jeu de rôle « jouable » à l’âge de 13 ans. Depuis, je me suis essayé à la BD, à la vidéo, au jeu vidéo et autres formes narratives. Et depuis quelques années, je voue un véritable engouement au JDR.

Voici ce que j’aime dans la pratique et la création de JDR :

La fiction

Tout d’abord, je ne suis pas particulièrement passionné par les jeux en général, qu’il s’agisse de jeux de plateau, de cartes ou jeux vidéo (malgré une adolescence baignée de jeux vidéo). Ce qui me passionne dans le JDR, c’est la fiction, le fait de la préparer, de la créer, certes, mais surtout, d’interagir avec elle d’une manière intime. Qu’un choix d’un joueur puisse influer sur les événements de l’histoire m’a toujours fasciné et les histoires – de toutes formes – ont toujours été ma première passion. Le JDR permet de les appréhender d’une façon vraiment unique : en se projetant dans les personnages qui la tissent par leurs actions. Ainsi, les doutes d’un personnage, sa motivation, ses découvertes, ses projets, les risques qu’il encourt… peuvent également être ceux du joueur.

Le lien n’est plus seulement de l’empathie pour le personnage, on devient responsable de ses actes et de ce qui lui arrive, quand on échoue, on sent le poids de l’échec sur nos épaules. Quand on sacrifie quelque chose d’important, on endosse les conséquences de notre choix et la culpabilité.

Et ça, c’est une révolution dans le champ de la fiction. Le jeu vidéo est loin de permettre ce jeu avec la fiction et avec l’histoire que permet le JDR.

Le partage

Le JDR est une activité qui se partage et trouve-t-on plus grande satisfaction que celle d’explorer avec un groupe d’amis une intrigue, un monde, un système et des personnages que l’on a soi-même créés ou que l’on crée ensemble ? La découverte d’une évolution inattendue à une histoire dans laquelle on joue les principaux acteurs peut donner lieu à de grands moments de convivialité et de partage.

On ne partage pas que du plaisir, mais toutes formes d’émotions et d’idées politiques, philosophiques. On se dévoile aussi, d’une manière ou d’une autre.

Un romancier, un cinéaste ont généralement des retours et des réactions différées du moment où le public reçoit leurs œuvres. En JDR, le retour est immédiat. L’expression, la lueur dans le regard du joueur, les éclats de rire, tout cela est précieux pour moi. De plus, à la différence du théâtre, on est tous à la fois créateur et spectateur, et les meilleures parties génèrent une véritable alchimie autour de la table.

Une communauté active et enthousiaste me permet, notamment avec un cercle d’amis, de profiter tout les jours d’une émulation enrichissante et motivante que j’ai difficilement trouvé dans d’autres activités. Je me fais également un devoir de partager mes expériences d’auteur, de concepteur de jeu, avec d’autres. D’aider à la conception de jeu etc. Et cela crée et renforce des liens et nous procure une grande satisfaction.

L’interactivité

La dimension ludique du JDR permet de se projeter dans son personnage comme jamais. Le « jeu » du JDR, n’est pour moi qu’un moyen de modifier son rapport à la fiction. Cela crée une immense potentialité des histoires et de l’évolution des fictions, de donner du sens aux actes, de s’interroger sur le monde qui nous entoure, de faire sienne les motivations, les ambitions et les causes des personnages et d’embrasser d’autres points de vue.

C’est aussi l’occasion pour moi, en tant qu’auteur, de permettre à d’autres d’explorer des émotions, des idées, de faire des expériences en s’impliquant personnellement et en mettant du sien. Les cinéastes et les romanciers jouent énormément avec leur public, je suis sûr qu’ils rêveraient de pouvoir interagir avec le lecteur ou le spectateur de la façon que l’on a de le faire en JDR :

« Je veux donner aux spectateurs une ébauche de scène. Si vous leur en dites trop, ils n’y apporteront rien d’eux-mêmes. Proposez-leur juste une suggestion, et vous les ferez travailler avec vous. C’est ce qui donne son sens au théâtre : quand il devient un acte social. » (Orson Welles 1938)

Comme une partie de JDR exploite la créativité de tous ses participants, on peut y explorer des choses imprévues, voire, prendre en compte toute la subtilité et la sensibilité des choix des joueurs, contrairement aux médiums interactifs rigides où tout doit être prévu à l’avance, comme les jeux vidéo : donner des conséquences à des actions que l’on n’imaginait pas ; développer les recoins insoupçonnés d’un monde ; trouver des solutions qui dépassent l’entendement de l’auteur même du jeu ; et surtout, mettre les cerveaux de plusieurs personnes en ébullition au cours d’histoires qu’elles sont en train de vivre. Cela permet de créer du Positionnement, c’est à dire, de faire des choix des personnages ceux des joueurs – et de les placer au cœur du jeu.

Que mes propres créations soient un cadre dans lequel la créativité des joueurs et du MJ s’exprime me permet de partager un matériau fictionnel unique, avec mon empreinte, qu’ils s’approprieront à leur sauce. Et cela me procure beaucoup de bonheur.

Une activité sociale

Le fait de pouvoir partager cette activité est un élément important de ma passion pour celle-ci. La plupart des autres activités qui me passionnent (notamment celles impliquant une fiction) se vivent seul – ou à plusieurs mais avec une interaction faible ou médiate. Le JDR me permet de vivre des histoires à plusieurs sans barrières et de les partager pleinement.

Pour pouvoir comprendre les implications des règles et des phénomènes sociaux sur les parties qui seront jouées, je tire partie de théories de la psychologie sociale, discipline pour laquelle j’ai un attrait fort.

N’importe quel champ de réflexion est utile

La dramaturgie, la narratologie, la philosophie, la sociologie, les théories de conception de jeu me passionnent également et tous ces champs de réflexion (et bien d’autres encore) sont un formidable terreau pour notre activité. Et cette soif de connaissance, le JDR m’aide à l’étancher.

Le propos

Du fait de l’importance de la fiction, le JDR me semble être un médium propice à l’exploration de problématiques, prémisses et autres propos et points de vue sur le monde, injectés dans le jeu par l’auteur (qui peut être aussi bien le MJ, que le créateur du jeu) et exploré par les joueurs. J’ai tremblé, eu des chocs esthétiques, des bouleversements, les larmes aux yeux, je me suis trouvé grandi par certaines parties que j’ai jouées. Et j’ai vu cela chez mes partenaires également.

Découvrir que le monde peut être plus que je ne le croyais, me confronter à des questions morales, existentielles, politiques. C’est aussi pour ça que je joue et crée des JDR. Ce n’est pas l’apanage des films et romans et j’attends d’un support de création qu’il me permette d’explorer et donner à explorer ces choses-là.

Une économie sans risques (ou presque)

J’aime les œuvres qui me surprennent, qui empruntent des chemins insoupçonnés. Mais je suis également sensible à leur coût. Celles qui demandent de grands moyens sont beaucoup plus sélects. Et le fait qu’un médium soit accessible pour peu de chose : de la sueur, un traitement de texte et quatre bouts de papier… s’accorde avec mes convictions politiques.

Le faible coût de création d’un JDR permet plus aisément d’aborder librement tous les sujets que l’on souhaite sans l’entrave que rencontre l’industrie du jeu vidéo, par exemple (bien que de nombreuses perles, surtout du côté des jeux indépendants, transgressent heureusement le statu quo).

Une terre vierge

Tout reste à faire dans le JDR. Nous sommes des pionniers. Alors que les peintres, cinéastes, romanciers doivent digérer une histoire riche et chargée, où tirer son épingle du jeu est une gageure. En JDR, on peut bénéficier de cette histoire, mais le médium est encore jeune et cette sensation de découvrir de nouveaux continents est grisante.

***

J’aime créer des histoires, apprécier des histoires, j’aime les œuvres interactives, les activités sociales, j’aime intellectualiser et théoriser, créer seul et créer collaborativement quelque chose, j’aime les œuvres qui me font cogiter, me bouleversent, me donnent un autre regard sur le monde et sur l’existence, j’aime les médiums qui me permettent de m’exprimer avec trois bouts de ficelle et j’aime explorer les terres vierges de la créativité.

Pour tout cela, le JDR est un trésor.

Et vous, qu’aimez-vous dans la pratique et la création de JDR ?

En guise de cadeau de la nouvelle année, nous avons enregistré un « One Shot » sur Prosopopée avec Romaric, Fabien et votre serviteur.

Écouter le podcast

Vous y trouverez une présentation détaillée du jeu, un rapport de partie au micro et des discussions passionnées sur les spécificités du jeu, autant vous dire que mes comparses ont été dithyrambiques !

(Promis, je ne leur ai pas versé de pots de vin)

C’est l’occasion pour nous de revenir sur les questions et critiques adressées au jeu. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à écouter le podcast que nous en avons eu à l’enregistrer.

Frédéric

Prosopopee-preview

 

Tester un jeu de rôle est toujours un travail délicat. Ne pas dire que le jeu est en test, vouloir trop en faire, asséner trop de critiques en une seule fois, tester les limites d’un jeu instable, devoir répondre aux critiques… Tout cela peut transformer une partie de test en cauchemar.

Un JDR, c’est comme un bateau. On a besoin de vérifier les pièces détachées avant de les assembler, puis vérifier s’il flotte et ajouter progressivement le moteur ou les voiles pour finir par la peinture et le matériel de sauvetage. Il faudra le lancer en mer plusieurs fois avant de pouvoir être sûr que d’autres pourront le piloter.

Je vous propose des techniques pour faciliter l’échange avec les testeurs, pour vérifier que l’on utilise bien les parties test à bon escient et pour optimiser leur fonctionnement.

Avant de lancer la partie, briefez les testeurs sur tous les points qui suivent.

  1. « Pas de critique du jeu durant le jeu ! » En dehors des problèmes empêchant la partie de se poursuivre (notamment quand le jeu n’a encore jamais été testé), n’interrompez jamais la partie pour parler du jeu et des difficultés rencontrées. Pour éviter les interruptions, notez vos remarques pendant la partie de manière à ne pas avoir à vous les remémorer après coup.

  2. L’auteur doit expliquer ses intentions vis à vis de son jeu avant la partie de façon à permettre aux testeurs de l’aborder de la meilleure façon possible.
  3. L’auteur doit indiquer le stade de développement de son jeu (sans pour autant faire une liste des problèmes potentiels avant de jouer) :
    1. Le jeu est embryonnaire : la partie test servira seulement à vérifier la validité de certaines techniques. Essayez des tests d’une demi-heure en petit comité (à 2 ou à 3). Les joueurs doivent tout faire pour faire fonctionner le jeu, y compris trouver des moyens de combler les lacunes, même si ces moyens sont temporaires, néanmoins, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Inutile de vouloir faire avancer un bateau sans voiles ni moteur. Je vous conseille vivement de tester vos jeux dès que vous avez seulement un début de système, même s’il est plein de trous, cela vous permettra d’avoir une meilleure vision de votre projet et éventuellement, de vous débloquer : si vous essayez d’arriver à votre première partie test avec un jeu fini, vous risquez de vous décourager, surtout si le résultat s’avère décevant. À cette étape, la partie sera fréquemment interrompue par des réflexions sur « comment régler les problèmes rencontrés », donc son fonctionnement est particulier : n’hésitez pas à utiliser la première idée qui vous passe par la tête pour combler les lacunes et réparer votre embryon de système. Vous aurez plus tard tout le temps de réfléchir à quelque chose de mieux. Combler les lacunes et réparer les problèmes à la volée cela vous permettra de tester tout le reste de votre proto-système et d’en avoir une première expérience. C’est donc la seule étape où vous pouvez discuter du jeu en y jouant, où les conseils sont bienvenus et où vous cherchez à bricoler le jeu pendant que vous jouez.
    2. Le jeu tient debout : de nombreuses choses restent à régler, mais on arrive à le faire tourner sur des demi-parties voire quasiment sur des parties complètes dans le meilleur des cas. Les joueurs doivent encore faire leur possible pour aller dans le sens du jeu. Ne testez pas les limites, cela risquerait de fragiliser votre partie ! Certaines règles mériteront encore sans doute une réparation à la volée, mais ça doit rester exceptionnel. Ça peut être une bonne idée de profiter d’une pause pour corriger vous-même les éventuels problèmes majeurs avant de reprendre. Si vous vous rendez compte que le jeu n’est pas encore à l’étape b), retournez à l’étape a).
    3. Le jeu est robuste : les choses à régler n’empêchent pas la partie de tourner correctement, elles diminuent seulement le confort de jeu. Il est important de pousser au maximum l’analyse de ce qu’il se passe dans les mécaniques et dans la fiction, tout en cherchant à aller dans le sens du jeu, avec un peu plus de souplesse cependant. SI vous vous rendez compte que le jeu n’est pas encore à l’étape c), retournez à l’étape b).
    4. Peaufinage : le jeu est rôdé, il ne manque que des problèmes de second ordre à régler. Les testeurs peuvent à présent tester les limites de la conception du jeu, afin de voir où elle craque et où elle tient. Vous n’arriverez à tester votre jeu sous tous les angles, il se produira toujours des cas de figure que vous n’aviez pas prévu. Avec l’expérience, vous apprendrez à optimiser vos créations.
  4. Après la partie, lors du feedback, chaque participant aborde à tour de rôle l’ensemble des remarques qu’il a notées pendant le jeu. Il peut en noter d’autres pendant le feedback des autres testeurs et demander de refaire un tour. Poursuivez jusqu’à ce que plus personne n’ait rien à dire. Que vous soyez auteur ou testeur, évitez de commenter, de vous justifier ou de répondre immédiatement aux remarques des uns et des autres, sauf pour bien comprendre ce qu’ils veulent dire ou répondre aux questions. Débattre sans prise de recul peut vous faire perdre beaucoup de temps et créer des tensions inutiles. Bien sûr, c’est moins convivial comme ça, mais beaucoup plus constructif et beaucoup moins prise de tête.
  5. Le but de l’exercice est prioritairement de relever les choses qui coincent, qui ne fonctionnent pas comme on le souhaiterait. Remarques et critiques ne valent a priori que pour celui qui les fait. L’auteur n’a pas à se justifier de les prendre ou non en considération, ni même à y répondre. Il aura tout le temps d’y réfléchir à tête reposée par la suite.
  6. Il y a forcément des points positifs, il est important de ne pas les oublier. Recevoir une succession de critiques est souvent dur à encaisser.
  7. Une partie test ne sert pas à ajuster les statistiques de votre système, car même au bout de dix parties, vous n’aurez pas lancé suffisamment le dé pour établir de véritables statistiques. Les statistiques sont une question mathématique, si les maths ne sont pas trop votre tasse de thé, faites un système qui n’a pas besoin de statistiques, qui se calcule facilement ou demandez à des amis de vous aider. Une partie test ne sert pas non plus à dénicher les moindres failles, car vous pourriez jouer longtemps en les évitant à chaque fois, du fait de vos propres habitudes de jeu. Le testeurs ne sont pas non plus un jury marketing pour votre jeu, c’est à vous de choisir et d’assumer vos partis pris. La partie test vous permet en revanche d’avoir une vue d’ensemble de votre jeu et de vérifier qu’il fertilise l’imagination des joueurs et qu’il crée une bonne dynamique sociale, notamment en permettant à tous les participants de répondre aux mêmes attentes.
  8. La partie test permet de révéler des problèmes avant tout, tenter de les régler peut amener plus de difficultés que de solutions ; de plus, l’auteur est le seul à avoir une vision d’ensemble de son projet, les testeurs cherchant des solutions risqueraient de pousser l’auteur dans des directions en rupture avec sa vision, voire, de l’inciter à faire des choses qu’ils aiment avant de chercher à aller dans la même direction, ce qui ne serait que perte de temps. Trouver la bonne solution à un problème de conception d’un jeu de rôle peut être un long travail et une séance de jeu ne suffira souvent pas. Néanmoins, si l’auteur se sent capable de faire un bon tri dans leurs propositions ou a une très grande confiance en leur jugement, il peut encourager les testeurs à lui donner des idées et suggestions de solutions.
  9. Les testeurs doivent respecter l’intention de l’auteur et ne pas chercher à transformer le jeu à leur façon, selon leurs goûts. Symétriquement, l’auteur doit parvenir à prendre du recul et à bien prendre conscience que les remarques et critiques des testeurs ne sont pas toujours pertinentes vis-à-vis de sa vision.
  10. Essayez de distinguer vos observations factuelles de celles basées sur votre ressenti :
  • les interventions factuelles doivent être argumentées, elles portent sur des problèmes de conception : repérer un dysfonctionnement, une incohérence, un manque etc.
  • les interventions basées sur votre seul ressenti sont également importantes, mais elles doivent rester bienveillantes et respectueuses de l’auteur et des autres testeurs : avoir aimé ou pas la partie, l’ambiance, le style du jeu, l’univers, le système, préférer certaines alternatives, certaines manières de jouer etc.
  1. L’auteur doit prendre en compte chaque remarque : un mauvais feeling d’un joueur ou de l’ennui peut être le symptôme d’un vice de conception du jeu ; soyez bienveillants à l’égard des testeurs.
  2. Ne testez pas trop de nouvelles règles à la fois. Essayez de ne faire que peu de modifications entre deux tests. Il est difficile de juger l’interaction de nombreuses nouvelles règles que vous ne comprenez pas entièrement.Tant que les fondations du jeu ne sont pas solides, il est inutile de passer trop de temps à tester des règles plus pointues et spécialisées.
  3. La partie test n’est qu’une façon d’analyser le fonctionnement de votre jeu et de trouver d’éventuels problèmes. Pas un moyen de développer votre jeu (sauf éventuellement quand il est à l’état embryonnaire). Ne vous éternisez pas en parties tests, le travail de conception se fait en dehors des parties. On ne modifie pas le bateau quand il est à l’eau.

Choisissez des testeurs qui n’ont pas de problèmes à jouer à un jeu imparfait voire peu fiable ou embryonnaire.

Mettez en place des conditions de jeu optimales.

Si vous souhaitez un regard extérieur, par exemple si vous ne parvenez pas à expliquer un phénomène autour de la table ou les effets d’une règle, n’oubliez pas que vous pouvez venir en parler dansla rubrique Banc d’essai de silentdrift.

Choisissez-vous un « directeur de projet », quelqu’un qui vous aidera à voir les incohérences du jeu, à réfléchir au texte du jeu et à la cohérence globale de votre projet et de vos partis pris, en vous laissant toutefois avoir le dernier mot.

Enfin, sachez que certaines théories vous permettront de distinguer plus facilement la nature des difficultés que vous pourrez rencontrer durant la partie. N’hésitez pas à lire et relire des théories de conception de jeu et suivre leurs développements.

Vous trouverez la version PDF de cet article ici.

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Salut à tous,

ce moi-ci j’ai bossé d’arrache-pied sur la version test de Démiurges et je suis donc en retard sur mes articles théoriques.

Qu’à cela ne tienne, je vous invite à lire le compte rendu d’une mini campagne de Démiurges jouée à notre table.

La bonne nouvelle, c’est que le jeu est entre les mains d’une équipe de testeurs à toute épreuve, ce qui signifie qu’il avance à grands pas vers la publication.

À bientôt pour le prochain article.

 

Dans cet article, je vous propose d’analyser les tenants et aboutissants de la démarche créative simulationniste à travers les particularités de Prosopopée.

Pour rappel : une démarche créative est la manière selon laquelle les participants d’une partie de JDR prennent plaisir ensemble et mettent en œuvre une manière de jouer en phase avec le plaisir recherché. Les trois démarches identifiées par Ron Edwards sont appelées le ludisme (ou Gamism), le narrativisme et le simulationnisme.

On dit qu’un jeu « soutient » une démarche créative dans la mesure où ses règles, son univers et sa création de personnages et de situations encouragent à une certaine démarche créative, sans pour autant pouvoir la garantir. Le jeu n’enferme pas les joueurs dans une démarche créative, il les invite à l’explorer.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire Le GNS est un outil ou le chapitre consacré aux démarches créatives dans l’article de Christoph Boeckle.

J’affirme que la démarche créative soutenue par Prosopopée est le simulationnisme et voici pourquoi.

1) Narrativisme et simulationnisme

La principale confusion que l’on fait au sujet de Prosopopée, c’est de considérer qu’il soutient une démarche narrativiste, je vais donc me concentrer sur les différences entre les démarches narrativiste et simulationniste.

La démarche narrativiste consiste à créer ensemble une histoire sur le moment (le sous titre du narrativisme est Story now en anglais : L’histoire maintenant). Le point central de cette démarche, est le sens moral et éthique donné aux actes des personnages. Pour qu’un acte ait du sens, il faut qu’il ait été librement choisi par le joueur (éventuellement, parmi plusieurs choix possibles) à partir d’une situation où aucun choix proposé n’est strictement meilleur que l’autre et que chaque choix implique une perte. De plus, il faut que l’histoire même se développe à partir des conséquences de ces actes. Si les actes des personnages engendrent l’histoire, chaque choix est important.

Les situations jouées sont toujours problématiques dans la mesure où il n’y a pas de « meilleure » solution ou même de « bonne » solution. Elles interrogent les participants (ce que l’on appelle la prémisse : la question que pose une histoire au sens dramaturgique ; et à laquelle les protagonistes de l’histoire répondront par leurs actes.1) et les personnages y répondent par leurs actes. Les actes expriment les valeurs morales de son personnage : la réponse aux questions posées. Les participants seront ainsi amenés à prendre position moralement par rapport aux actes des personnages et à formuler des jugements. C’est là le cœur de la démarche narrativiste. (Plus de précisions dans un article précédent ou dans l’essai de Ron Edwards)

Jouer selon une démarche simulationniste, c’est faire en sorte que le style, la logique et la cohérence de la fiction soient ce qui préoccupe le plus les participants. Cela signifie qu’ils développeront un cadre appelé canon esthétique et qu’ils chercheront à dire des choses qui séduiront leurs partenaires de jeu, en étayant les éléments de ce canon sans jamais le transgresser.

Jouer simulationniste, c’est célébrer le canon de la fiction, c’est-à-dire produire un ensemble d’images et d’événements fictifs conformes aux attentes et aux exigences des participants et y prendre plaisir. Les participants établiront préalablement et au fil de la partie, des limites à leur cadre, en des proportions très variables selon les tables et les jeux.

Le cœur des parties simulationnistes se situe dans les interstices : le cadre défini avant de jouer étant par définition incomplet, les participants le développent généralement dans des directions inattendues de leurs partenaires. À partir du moment où les participants parviennent à développer efficacement la fiction sans devoir être recadré, on peut dire que le canon est solide. Plus ils peuvent ajouter d’éléments inattendus au cadre initial, plus on peut dire que le canon est élastique. Ron Edwards appelle Constructive denial : Le déni constructif.

Enfin, tout cela passe par le soin de ne pas briser l’illusion de la fiction, ne pas rappeler que tout ceci est imaginaire, d’où le besoin d’éviter d’avoir à recadrer les participations des participants (le sous titre du simulationnisme est The right to dream : Le droit au rêve). 2

1.1) Story now et story before

Si l’on crée une histoire pendant qu’on joue et non avant, c’est forcément narrativiste ?

Non. Une partie durant laquelle on crée l’histoire pendant qu’on joue ne soutient pas nécessairement une démarche narrativiste. Certes, une partie narrativiste n’est pas possible si l’histoire et son déroulement sont déterminées à l’avance (si on utilise un scénario par exemple), mais cela ne veut pas dire qu’on fait du narrativisme à chaque fois que l’on crée l’histoire pendant qu’on joue.

Le fait de créer l’histoire avant la partie est une option possible et valable pour une démarche simulationniste, mais ce n’est pas la seule, ainsi, il est tout à fait envisageable que l’histoire soit créée sur l’instant tout en jouant simulationniste. (Voir ce schéma de Vincent Baker)

De plus, il faut garder à l’esprit que Ron Edwards donne au mot « histoire » dans « Story now », l’idée d’explorer une prémisse. Le « now » implique que la prémisse soit explorée collaborativement, il ne peut donc pas être un exposé que le MJ ferait aux joueurs en gardant le fin mot sur le propos de l’histoire.

Pour faire simple :

  • si l’ensemble des participants créent une histoire pendant la partie en explorant une prémisse, que les joueurs y répondent et que c’est ce qui prime, la partie devrait être narrativiste ;
  • si l’ensemble des participants créent une histoire pendant la partie, mais sans explorer de prémisse, la partie peut être ludiste ou simulationniste ;
  • si une prémisse est amenée dans la partie par un seul participant (généralement le MJ) et y répond lui-même – et que les autres la découvrent sans avoir de prise dessus – la partie peut être ludiste ou simulationniste.

L’histoire générée lors des parties de Prosopopée ne vise pas à explorer une problématique morale (autrement dit : les participants ne répondent pas à une question morale par les actes de leurs personnages).

1.2) Histoire dramatique et Rêve éveillé

Dans Prosopopée, l’histoire en tant qu’intrigue et succession d’actions n’est pas au premier plan. On se focalise d’abord sur les images créées verbalement et sur la construction du monde où se déroule l’histoire ; sa beauté, son étrangeté, sa logique, sa mystique… (le monde étant ici absolument tout ce qui est décrit dans la fiction, jusqu’aux personnages des joueurs eux-mêmes, les codes sociaux etc.). Le moment où le jeu est le plus intense, c’est quand le monde créé, sa beauté et ses mystères deviennent le centre de l’attention. Et que tout les participants partagent ce rêve éveillé.

Tout est fait pour pousser à explorer un rêve éveillé zen et poétique. Aucune règle du jeu, aucun élément de l’univers ou de la création de l’histoire ne pousse les joueurs vers autre chose : il n’y a pas de choix moraux ; l’intrigue suit un schéma relativement simple ; les actions des personnages permettent de révéler le décor, les habitants, leurs problèmes et les solutions.

1.3) L’absence de choix moraux

Quand on résout un problème à Prosopopée, on cherche sa cause. Les problèmes s’organisent de manière hiérarchique, impliquant que certains sont plus proches de la cause de tous les maux et d’autres n’en sont que des symptômes. Les problèmes sont liés à la difficulté des humains à vivre avec la nature (et le monde du surnaturel). Les conséquences des actes des personnages se contentent de rendre la tâche plus difficile et de modifier la compréhension qu’ils ont du problème.

Les histoires explorées au cours de parties narrativistes impliquent l’exploration d’une prémisse. Or, dans Prosopopée, pas de « dois-je poursuivre mon idéal si cela met en danger mes proches ? », ni de « puis-je trahir la confiance que les autres ont en moi pour leur propre bien ? » ou encore « puis-je sacrifier quelques uns pour le bien du plus grand nombre ? ». Les Médiums suivent une quête dont l’objectif est clair et ne changera pas : aider les habitants des villages (et les humains en général) à résoudre les Problèmes qu’ils ont créé dans la nature. Ils n’ont pas à résoudre des dilemmes ou des drames déchirants. Ce but n’est pas remis en question car il est dans la nature même des Médiums de résoudre le déséquilibre et tous les problèmes qu’il provoque.

Si des participants créent des problèmes, ces problèmes sont ceux qui devront être résolus à la fin, donc pas de double enjeux, donc, pas de choix moraux, donc, pas de narrativisme.

2) Le canon esthétique

Le canon esthétique est l’unité stylistique et logique de la fiction produite au cours de parties de jeu de rôle. À la manière d’une peinture, la force de l’harmonie de sa composition, la manière dont les éléments et les couleurs s’agencent peuvent justifier à elles seules son intérêt. La démarche simulationniste fonctionne de la même manière. Cette démarche est également idéale pour l’exploration de mystères du monde, des civilisations, de la structure d’un monde etc. Chaque groupe établit le canon de la fiction qu’il génère en respectant un ensemble de critères et d’exigences communes.

N’importe quel groupe de jeu de rôle constitue un canon plus ou moins large et malléable, et ce, quelle que soit la démarche créative à l’œuvre. Il existe un grand nombre de façons de faire respecter le canon lors de parties de jeu de rôle. Une personne peut en être garante (généralement le MJ) ou chaque participant ; et les moyens explicites ou tacites de réguler les écarts sont variés.

La première spécificité de la démarche simulationniste, c’est qu’il est important d’éviter autant que possible d’avoir à rectifier les interventions des participants pendant la partie, car la solidité du canon y est en soi un motif de plaisir (alors que pour les deux autres démarches créatives, le plaisir se focalise sur d’autres approches de la fiction, donc ce n’est pas gênant de faire des parenthèses pour se mettre d’accord afin d’optimiser l’expérience).

Pour ce faire, le contenu de la fiction et l’intrigue peuvent être en grande partie prévues à l’avance. Les mécaniques du jeu peuvent prédéfinir l’ensemble des possibilités des personnages en simulant la faisabilité et les conséquences de chaque action en fonction de paramètres préétablis ; GURPS, Rolemaster et certaines versions de D&D poussent le bouchon particulièrement loin à ce sujet ; pour jouer narrativiste ou ludiste, de tels partis pris pourraient être accessoires, encombrants, voire franchement incompatibles.

Mais le canon ne joue pas ce seul rôle. Il est également le matériau fondamental avec lequel les participants vont jouer. Tester la résilience du canon – sa résistance aux transgressions et sa capacité à endiguer les violations potentielles à l’unité et à la cohérence de la fiction, mais aussi son élasticité – est le point de focalisation de toute partie simulationniste. Ainsi, la façon dont un joueur va interpréter son personnage et le faire agir, résoudre les problèmes, etc. sont des façons, pour lui, d’enrichir, développer et éprouver le canon ; mais que les joueurs puissent continuer de le faire sans que les autres participants (ou le MJ) n’aient à les recadrer, est de première importance.

Les participants exploitent la proposition créative au mieux quand ils parviennent à séduire, voire aller au delà des attentes des autres participants de par l’originalité de leur contribution au canon, sans le transgresser (pour plus d’information concernant le jeu de séduction entre participants, voir l’article La résistance asymétrique ; j’ai également expliqué le processus à l’œuvre au cœur de Sens hexalogie dans l’article Espaces de créativité).

2.1) Dans Prosopopée

Quasiment aucun élément fictif n’est prévu à l’avance, en dehors du fait que le monde du jeu se situe avant l’aire de l’industrie et de la modernité. Et c’est bien utile dans un jeu où le partage de narration est aussi important.

Les mécaniques du jeu balisent la nature des actions que doivent entreprendre les personnages pour résoudre les problèmes.

L’absence de noms propres permet d’éviter que les participants aient à inventer des noms à la volée pour les PNJ et incite à décrire davantage les choses, le décor et les personnages.

Ensuite, certains joueurs appelés Nuances doivent décrire au début de la partie – en s’inspirant librement d’une image, un objet ou quoi que ce soit d’autre – le lieu principal dans lequel se déroulera l’histoire. Le canon commence à être étayé à ce moment-là.

Ensuite, quand l’histoire commence, à chaque fois qu’un participant aime ce qu’un autre narre, il lui donne un dé d’Offrande (un simple dé, pris d’une réserve située au milieu de la table). Ce don de dés permet de mettre en relief, pour tous les participants, ce que chacun apprécie particulièrement, et donc, ce qu’il attend de la partie. Ce sont les fameux « critères et exigences » qui servent à consolider le canon.

Les participants comprennent donc qu’ils doivent faire un effort pour plaire aux autres afin de récolter ces dés d’Offrande qui leur permettront plus tard de résoudre les problèmes fictifs rencontrés par leurs personnages. Les joueurs sont donc vivement incités à étayer le canon dans le but de séduire et surprendre, ou tout simplement coller aux attentes de leurs partenaires de jeu.

C’est de cette manière que les participants créent, consolident et explorent le canon. Et c’est cela qui est au cœur du jeu.

Il reste une règle importante : à tout moment, un participant peut placer un dé de Problème sur une feuille au milieu de la table. Ce dé de Problème permet de rendre central dans l’histoire, quelque chose qui a été introduit dans la fiction par quelqu’un d’autre et donc de le valoriser en le hissant au statut de Problème.

De plus, cela offre une utilité supplémentaire : celui qui pose le dé de Problème peut l’utiliser d’une autre façon, pour modifier un élément de la fiction qui ne lui plaît pas. Cela évite dans certains cas d’avoir à rectifier une contribution en « négociant » hors de la fiction.

Ainsi, l’on peut préserver le canon et l’explorer à fond sans avoir à interrompre le flot de la fiction.

2.2) L’espace de créativité des joueurs

Dans une partie simulationniste traditionnelle, il est courant que la tâche du MJ soit de révéler le contexte, tandis que les joueurs auront pour tâche de développer ce qui concerne leur personnage, en adéquation avec le reste de la fiction. Les joueurs ont besoin de percevoir le monde comme le percevrait leur personnage (j’en expliquerai les raisons plus tard).

Dans Prosopopée, les joueurs jouent des divinités s’incarnant dans les personnages du tableau qu’elles ont créé. Dès lors, leur perception du monde est plus large que celle d’un humain. Ils peuvent donc à la fois définir les actes, les paroles et l’apparence de leur personnage, mais aussi le monde qui les entourent, puisque c’est eux qui le créent. Cela convient à leur statut divin et permet de justifier le partage de narration (ou espace de créativité) dans la fiction, qui n’est plus seulement une technique de jeu, mais une propriété des personnages incarnés par les joueurs.

Plutôt que de découvrir une histoire et un contexte écrits à l’avance par l’un d’entre eux, les participants découvrent progressivement les idées des autres participants et le suspense persiste du fait de ne pas savoir ce qu’un des autres participants va dire et ainsi, orienter l’histoire dans une direction inattendue.

Pendant les parties de Prosopopée, les joueurs mettent le maximum de leur énergie à développer collaborativement le canon de la fiction entière : le contenu (personnages, décor etc.) et pourquoi les choses vont comme elles vont ; par exemple :

3) Ne jamais regarder derrière le voile

Pour que le rêve s’épanouisse, les participants ne doivent jamais regarder derrière le voile ; cela signifie plusieurs choses :

  1. il faut sortir le moins possible de la fiction ;
  2. les techniques d’illusionnisme (la manière dont le MJ s’arrange pour dissimuler certaines pratiques ou choix qu’il fait, notamment pour faire respecter le scénario qu’il a préparé) doivent être aussi discrètes que possible ;
  3. les phénomènes sociaux (interpersonnels) gagnent à être maquillés pour se fondre dans la fiction ;
  4. il vaut mieux éviter les techniques qui ne sont pas justifiées par la fiction, qui n’y trouvent pas leur cause.

Concernant le point 1, considérez que les rectifications, les explications des règles, les mises au point et discussions extérieures à la fictions devraient être réduites à leur pure nécessité, ce qui n’est pas vrai pour les autres démarches créatives : une partie narrativiste, par exemple, gagnera à ce que les participants se posent des questions les uns aux autres, se fassent des suggestions, expriment leur jugements etc.

Concernant le point 2, dans le cas où un MJ veut cacher certaines de ses pratiques aux joueurs, notamment leur faire croire qu’ils ont une prise sur l’histoire, qu’ils sont libres d’agir à leur guise et que leurs actes ont de l’importance, alors que c’est le MJ qui contrôle secrètement tout cela. Ceci ne peut fonctionner que dans le cadre d’une démarche simulationniste (Sens de Romaric Briand en est un bon exemple), mais n’est absolument pas nécessaire aux parties simulationnistes.

Concernant le point 3, les livres et les groupes proposant des parties simulationnistes oublient volontairement l’existence des personnes autour de la table de jeu de rôle. L’oubli devient parfois délétère, car il empêche la démarche créative de s’exprimer. En effet, le jeu de rôle fonctionne sur des interactions entre individus ; les groupes où les participants prennent du plaisir sans le manifester ni le partager aux autres sont les plus fragiles, en particulier lorsque cela est encouragé par le jeu. Quand les joueurs ont appris le jeu de rôle ensemble, se connaissent par cœur et jouent ensemble de longue date, il est possible que la connivence et la communication non-verbale suffisent à harmoniser les attentes de chacun et à faire connaître le plaisir que l’on prend.

Ce point mérite que l’on s’y attarde. L’idéal, c’est d’intégrer dans les règles du jeu des moyens de faire connaître les attentes et les exigences de chacun et de permettre d’exprimer le plaisir que l’on prend. Le don de dés d’Offrande de Prosopopée permet d’exprimer le jugement et le plaisir pris par les participants sans toutefois interrompre la fiction, en glissant un dé vers la personne en train de parler. Je vous renvoie également vers mon article Espaces de créativité pour la description du processus à l’œuvre dans Sens Hexalogie.

Concernant le point 4, le fait de devoir justifier les techniques dans la fiction et d’y trouver leurs causes ne veut nullement dire qu’il ne faut pas lancer de dés ou calculer de scores, mais que le fait de lancer les dés et de manipuler des ressources chiffrées ou autres doit être justifié par la fiction.

Dans Prosopopée, le don de dés d’Offrande est justifié comme une Offrande que se font les divinités qui peignent le Tableau. J’ai créé l’ensemble des mécaniques de résolution et de création de Problèmes en veillant à ne pas enfreindre ce point.

Une idée répandue voudrait que plus une technique ou manière de jouer serait intuitive pour un participant et plus elle paraîtrait adaptée à la démarche simulationniste. Je pense qu’il ne s’agit en réalité que d’une question d’habitude. Quand on s’habitue à une technique, elle se fait oublier plus facilement. Appréhender une technique nouvelle demande fatalement plus d’efforts.

3.1) La difficulté du simulationnisme

Le fait de ne jamais regarder derrière le voile crée une difficulté : les attentes et exigences des participants s’harmonisent difficilement si on n’en parle pas. Le fait d’en parler hors des parties est également difficile dans le cas où le MJ utilise des techniques d’illusionnisme. Et le fait, en tant que joueur, de ne pas exprimer son avis ni son ressenti empêche d’aligner attentes et exigences et ne permet pas de canaliser les frustrations.

C’est pourquoi les groupes constitués de personnes d’horizons différents, avec des habitudes différentes pourront avoir du mal à jouer convenablement ensemble, notamment si les détails du fonctionnement des parties n’est pas expliqué.

Je vous conseille de réfléchir à ce point.

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Cet article était pour moi l’occasion de creuser la démarche simulationniste, très peu approfondie par chez nous et souvent galvaudée, tout en démontrant de quelle manière Prosopopée s’y inscrivait. Si des questions subsistent, n’hésitez pas à les poser en commentaire.

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Discussions antérieures à ce sujet sur Silentdrift :

1Voir premise dans le « Provisional glossary » ainsi que le chapitre consacré aux prémisses dans l’article Narrativism : Story Now de Ron Edwards.

2 Plus de précisions dans l’essai de Ron Edwards

Monostatos, le jeu de Fabien Hildwein est paru.

On y joue des héros rebelles et libérateurs face à l’oppression d’un dieu ayant vaincu tous ses prédécesseurs. Ce dieu offre paix, confort et protection à l’humanité en échange d’une soumission totale à son culte.

Les héros sont des insoumis qui ont pâti du culte et qui veulent vaincre ce dieu médiocre et honni.

Pour avoir relu, testé le jeu et filé un coup de main à son auteur, je vous propose mon éclairage sur son travail.

Voici donc dix choses remarquables au sujet de Monostatos :

1. L’auteur y présente un univers de fantasy personnel, dépouillé de tout folklore « Tolkiennesque », en s’attardant sur la beauté du monde – ses paysages désertiques – ses peuples – inspirés de la Mésopotamie, des cultures Berbères, de l’Égypte antique – ainsi que ses symboles.

2. Le jeu propose aux joueurs des espaces de créativité très grands, puisqu’ils peuvent décrire le décor autour de leurs personnages, faire de la mise en scène et apporter ainsi leur contribution au monde qu’ils explorent. Cela s’accorde très bien avec la description de l’univers du bouquin, parce que l’univers en question est une inspiration pour le MJ et les joueurs, pas un carcan.

3. Le MJ prépare un lieu avant chaque partie avec l’aide d’une méthode rapide à mettre en place et vraiment utile. L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle permet de préparer à chaque partie seulement ce qui est utile, plutôt que d’en préparer des caisses ou de lire des centaines de pages dont on ne retirera qu’un dixième. Le MJ présente la préparation de son lieu aux joueurs, ce qui leur permet de connaître l’essentiel afin de profiter de leur liberté de narration tout en étant sûr de ne pas contredire la préparation du MJ.

4. Les joueurs choisissent pour chaque partie un objectif qu’ils pourront atteindre (ou non) à l’issue de votre séance de jeu. Cet objectif pourra être lié à leur passé, à leurs croyances, voire directement à la lutte contre Monostatos et son culte…

5. Les combats sont généralement assez épiques et hauts en couleur et les héros sont véritablement héroïques et admirables. Vous ne risquez pas de mourir bêtement ou de paraître ridicules lorsque vous échouez au lancer de dé.

6. Les mécaniques de résolution sont très simples, elles demandent aux joueurs de savoir prendre des risques, avec une gestion de points permettant de relancer les affrontements. Pas de listes ni de tables interminables d’options, de simulations des probas etc. Tout se règle simplement et de la même manière. Les réussites font avancer les PJ vers leurs buts personnels et les échecs leur infligent des « faiblesses », pouvant les faire échouer dans leurs quêtes. Ne pas savoir abandonner au bon moment, c’est prendre le risque d’épuiser sa réserve de points. Bref, enfin un jeu soutenant une démarche ludiste permettant de jouer des histoires belles et intelligentes.

7. Les mécaniques de résolution gèrent simplement aussi bien les combats que les affrontements psychologiques : haranguer les foules, convaincre un fidèle etc. En somme, vous pouvez aussi bien jouer des joutes verbales, des conflits d’idées que des combats spectaculaires.

8. Les joueurs sont vivement incités à trouver des alliés, tisser des relations et inciter les foules à la révolte contre ce Dieu qui les empêche d’exister pleinement, autant que combattre avec des moyens traditionnels ou surnaturels. Le passé et les relations des PJ ont vraiment du poids dans le jeu ; pour aider les PJ, comme pour les mettre dans de sales draps. La qualité des histoires en bénéficie grandement.

9. Le MJ peut déployer les prêtres du culte de Monostatos pour les opposer aux PJ. Leur influence peut posséder les lieux et les personnes les plus inattendues.

10. Le fait que le jeu soit découpé en scènes permet à chaque participant, joueur comme MJ d’avoir le devant de la scène chacun son tour.

Tout cela est favorisé par le fait que le jeu partage le contrôle de l’histoire entre joueurs et MJ et en utilisant des règles dans ce but plutôt que de tenter de simuler la réalité et de donner au MJ le dernier mot sur tout.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

En attendant la version test du jeu, je vous propose trois fiches de PJ remplies à notre table :

 

 

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Salut à tous, je romps mon silence estival pour une nouvelle d’importance : SciFi Universe gratifie Prosopopée d’une critique un peu plus dure mais tout à fait intéressante, je vous invite à aller la lire :

http://www.scifi-universe.com/critiques/34177-57-prosopopee.htm

Frédéric

 

À toutes fins utiles :

Ces dernières semaines, j’ai fait une pause un peu chaotique concernant l’écriture de mes articles théoriques. Cette pause se poursuivra pour le mois d’août après quoi je reprendrai les parutions a priori hebdomadaires et je devrais également pouvoir rapidement mettre à disposition la version test de Démiurges. ;)

Frédéric

 

Une critique de Prosopopée a été faite par Jérôme « Sempai » Bouscaut dans le septième numéro de l’e-zine le Maraudeur. http://www.studio09.net/index.php?option=com_content&view=category&id=20&layout=blog&Itemid=7

Je vous conseille vivement de télécharger ce magazine sur le JDR qui n’hésite pas à tester les jeux avant de les chroniquer !
Vous y trouverez également une critique de My Life with Master, Sens Mort, Fiasco, Pendragon etc.