Retranscription d’une partie de Prosopopée
J’ai enregistré une partie récente de Prosopopée, voici une retranscription épurée mais fidèle :
« Asynchronisation »
Tableau du 12/08/2009
Christoph : Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent
Romaric : Celui qui draine la vie
Frédéric : Celui qui donne des réponses
***
Frédéric : Celui qui donne des réponses se trouve sur un bateau qui vogue sur une mer relativement calme, mais l’horizon est imperceptible car il pleut dru, une brume épaisse s’est levée. Nous sommes dans une saison froide comme vous l’aurez compris.
Romaric : L’hiver ? L’automne ?
Fred : Plutôt l’automne… Et donc il s’interroge sur l’heure à laquelle ils vont arriver à destination avec l’équipage.
Christoph : Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent était perché au sommet du phare, ajustait un sextant, non par rapport aux étoiles puisqu’il faisait mauvais temps, mais par rapport à quelque chose qu’il semblait apercevoir au delà de la portée de la vision, par delà l’endroit où aurait pu être l’horizon si le temps permettait de le voir. Il effectuait quelques réglages, prit des notes sur un parchemin. Satisfait de ses mesures, il roula le parchemin, le glissa dans son manteau et redescendit au pied du phare, quitta la jetée qui menait au phare et se dirigea vers un village.
Romaric : Celui qui draine la vie attend patiemment sur le pont que la réponse soit donnée à Celui qui donne des réponses.
Christoph : (Je trouve intéressant que celui qui donne les réponses aie besoin de recevoir les réponses.)
Frédéric : Cela fait plusieurs jours que le bateau vogue et progressivement les matelots semblent atteints d’un mal étrange, leurs yeux se voilent comme la brume qui entoure le bateau.
Romaric : Celui qui draine la vie sait d’où provient le mal.
Frédéric : Celui qui donne des réponses s’approche de Celui qui draine la vie et lui demande : « Pensez-vous que quelque sorcellerie soit à l’œuvre ? »
Romaric : « Je vais vous répondre par une fable que me contait autrefois mon père. »
Frédéric : « Je vous écoute. »
Romaric : « C’est l’histoire d’un scorpion qui demande à une grenouille de lui faire traverser le fleuve. La grenouille accepte, le scorpion monte sur la grenouille, la grenouille commence à traverser le fleuve. Tandis qu’ils sont au milieu du fleuve, le scorpion pique la grenouille. La grenouille demande pourquoi et le scorpion répond simplement : je suis un scorpion. »
Frédéric : « C’est donc à cause de vous que l’équipage commence à perdre la vue, voire à perdre l’âme ? »
Romaric : « Certains médiums sont des malédictions, je n’ai pas le choix… et je dois pourtant traverser la rivière, traverser l’océan. »
Frédéric : « … »
Romaric : « J’ai le pouvoir de drainer la vie, mais je ne peux pas aller jusqu’à la mort… Je ne coulerai pas avec la grenouille… J’aperçois un phare au loin… Près du village où habite Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent. »
Frédéric : Une jeune fille vient voir Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent et lui dit : « un bateau arrive… D’après les pigeons que nous avons reçus, il y aurait un problème à son bord. Peut-être pouvez-vous faire quelque chose ? Mon mari fait partie de son équipage et j’espère qu’il ne lui est rien arrivé. »
Christoph : « N’ayez crainte, j’ai déjà pris les mesures de leurs âmes. » Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent quitte la fille et entre dans une maison de pierre. Dans cette maison, il y avait un grenier, dans ce grenier il y avait un hibou sur un perchoir. Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent monta à la rencontre de son hibou et lui chuchota à l’oreille d’aller voler dans la nuit et de revenir avec une substance. Ensuite, le hibou s’exécuta et Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent s’approcha du fourneau et mit des substances tirées de différents pots se trouvant dans une étagère, dans une marmite qu’il mit ensuite à cuire au dessus du feu.
Frédéric : Le bateau accoste enfin non loin du village de Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent.
Christoph : Malheureusement, le bateau accosta entre deux temps. Vous n’êtes pas synchronisés avec le temps du village.
Romaric : Celui qui draine la vie remarquait le processus, ses connaissances en matière de relativité lui apprirent à reconnaître ce genre de phénomène. Il avertit Celui qui donne des réponses : « Nous sommes prisonniers entre deux temps ; nous sommes partis trop vite et nous arrivons trop tard. »
Frédéric : « Ou trop tôt. »
Romaric : « Tout est relatif, cela dépend de quel point de vue vous vous situez : de ce phare ? Ou de ce pont ? Tout est là. »
Frédéric : « Celui qui donne des réponses met pied à terre… »
Romaric : « Vous ne devriez pas. »
Frédéric : « Vous savez, je ne peux être affecté par les choses, tout comme vous. Je cherche simplement les réponses qui ne me viennent pas spontanément. » Celui qui donne des réponses continue, s’aventure dans le village, il ouvre la porte d’une maison…
(silence)
Romaric : Il découvre plusieurs pots de fleurs alignés et sur chaque fleur il y a un nom : Celle qui ne pousse qu’en été, Celle qui ne pousse qu’en hiver, Celle qui ne pousse qu’en Automne, Celle qui ne pousse qu’au printemps… Il voit que les quatre fleurs sont éveillées.
Frédéric : « Venez voir ! »
Romaric : Celui qui draine la vie ose poser le pied au sol et s’approche. « Je préfèrerai que les choses m’affectent. »
Frédéric : « À quoi sert notre existence si nous devenons frileux alors que le froid ne peut nous atteindre ? »
Romaric : « J’ai trop souffert de ne pas être affecté. » Celui qui draine la vie tente de faner une première plante, mais il ne peut la faire mourir.
Frédéric : « Arrêtez ! Ne pensez-vous pas que ces plantes puissent être les habitants du village ? »
Romaric : « Ces plantes semblent marquer le temps qui passe, or elles sont toutes fleuries. »
Frédéric : « Mais leur floraison semble intermittente. »
Romaric : « À quelle saison souhaitez-vous arriver ? »
Frédéric : « À quelle saison ? »
Romaric : « L’automne, puisque nous en sommes partis, autant y revenir. »
Frédéric : « Peut-être… C’est en hiver que les plantes dorment. Peut être qu’à ce moment-là nous pourrions rétablir l’écoulement du temps ? »
Romaric : Celui qui draine la vie s’agenouille devant les plantes et lit à haute voix : « Il est écrit ici : Celle qui ne pousse que l’été, celle qui ne pousse que l’hiver, celle qui ne pousse que l’automne… Peut être que ces plantes sont le marqueur du temps ? »
Frédéric : « Possible. »
Romaric : « Je les fanerai juste et laisserai quelques graine de manière qu’elles repoussent. »
Frédéric : « Et si tout simplement nous demandions d’être propulsés une saison plus tard ? »
Romaric : « Il est difficile de demander d’être piégé dans le temps. »
Christoph : Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent discutait avec un garçon, c’était un jour d’été. Il manipulait le sextant des âmes et le garçon lui demandait : « Si tu peux localiser les âmes avec ce sextant, pourquoi ne peux-tu pas décider où seront les âmes ? » Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent lui dit : « Un instrument de mesure ne peut pas créer le monde, il le lit tel qu’il est. »
Frédéric : Les feuilles tombèrent à nouveau des arbres quand celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent se rend compte de l’arrivée d’une certaine quantité d’âmes qui se répandent à l’intérieur des maisons, mais sans corps.
Christoph : Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent dénombre chaque âme et plonge sa main dans son manteau, retire le parchemin qu’il y avait inséré tout à l’heure et constate qu’en effet le nombre d’âmes correspondait au nombre d’inscriptions qu’il avait relevé au sextant.
Frédéric : Ces âmes ont une allure humaine, étrangement flottante, comme si elles étaient des halos de lumière un peu mouvant. Ayant la forme des hommes auxquels elles appartiennent.
Romaric : Celui qui draine la vie s’approche des fleurs et se dit qu’il est illogique de s’occuper des conséquences pour régler une cause. Qu’il valait mieux régler la cause pour s’occuper des conséquences. Si ces fleurs fleurissaient, s’il les faisait faner, il ne changerait pas le cours du temps. Il fallait changer le cours du temps pour les faire s’épanouir au bon moment.
Frédéric : « À moins que les fleurs soient responsables. »
Romaric : « À moins que les fleurs en soient responsables, c’est vrai. Cependant, voilà ce que je te propose… acceptez-vous que je puisse vous tutoyer ? »
Frédéric : « Bien entendu. »
Romaric : « Alors voilà ce que je te propose : je vais m’emparer du dieu du temps et le faire saigner jusqu’à ce qu’il accepte de nous rendre le nôtre. » (Hop, je lance les dés en science, je draine la vie du temps.)
(Lancer de dés, échec)
Christoph : Celui qui draine la vie en appelle au dieu du temps, mais ne parvient pas à le trouver. En revanche, il perçoit dans les entrelacs de l’espace et du temps que la potentialité des gens qui l’entourent avait été réduite à une seule. Le sextant en prenant la mesure des gens, pouvait savoir où ces gens se trouvaient, mais détruisait toute notion de quand il se trouvaient.
Romaric : Celui qui draine la vie fait observer à Celui qui donne des réponses que la source du mal semble s’unifier. « Lorsque j’en ai appelé au dieu du temps, j’ai ressenti que tout était lié par une unité qui n’existait pas avant. Il existe donc une source des problèmes du monde. »
Frédéric : « Quelque chose me dit qu’il nous faut nous rendre dans le phare pour y trouver ce que nous cherchons. »
Romaric : « …c’est vous qui donnez les réponses. »
Frédéric : « Tout à fait, posez-moi une question ! »
Romaric : « Quel âge avait Celui qui écrit des poèmes ? »
Frédéric : « Treize. »
Romaric : « C’est une bonne réponse, je vous suivrai donc dans le phare. Allons explorer ce phare, je vous suivrai. »
Frédéric : Le phare d’albâtre s’érige fièrement sur une pointe rocheuse, sur les falaises de laquelle les vagues s’écrasent avec bruits et fracas. (Frédéric imite tant bien que mal le bruit des vagues qui s’écrasent sur la falaise ainsi que le cri des mouettes.) Celui qui donne des réponses, accompagné par Celui qui draine la vie se rendent donc dans le phare d’albâtre…
(Silence, puis commentaires et rires)
Christoph : Et là, ils rencontrent le hibou.
Frédéric : « Tiens donc, un nouvel être vivant qui ne semble pas affecté par le trouble du temps. »
Romaric : « Appartient-il à un médium, est-il un médium lui-même ? Il va nous répondre… »
Christoph : « Je suis Celui qui est envoyé par Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent. »
Frédéric : « Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent ? Et où se trouve-t-il donc ? »
Christoph : « Il se trouve au village, dans sa demeure, la vraie question que vous devriez me poser, c’est quand il se trouve. »
Frédéric : « Mais ça j’ai la réponse. »
Romaric : « Alors donnez-la nous, puisque vous êtes Celui qui donne des réponses ! »
Frédéric : « Il ne se trouve pas maintenant. »
Romaric : « S’il est véritablement un médium comme nous, il est au même moment que nous. »
Frédéric : « En tout cas, il doit pouvoir… s’il le veut. »
Romaric : « Hibou, mène-nous à ton maître ou je te drainerai la vie. »
Christoph : « Des menaces ? »
Romaric : « Je ne vous menace pas, je n’ai pas le choix. »
Christoph : « Alors suivez-moi ! » Et le hibou s’élance au bas du phare et disparaît.
Romaric : « Celui qui draine la vie s’élance à son tour. »
Frédéric : « Suivi de peu par Celui qui donne des réponses. »
Christoph : Celui qui donne des réponses ainsi que Celui qui draine la vie, plutôt que choir à terre se retrouvent sous un énorme balancier… Le balancier d’une énorme horloge. Ils ne voient autour d’eux que l’obscurité. C’est une pendule en cuivre et la seule lumière qui vous parvient est celle qui se réfléchit contre sa masse oscillante.
Romaric : « Tu as vu, la pendule réfléchit… et toi ? »
Frédéric : « Moi non, vu que j’ai les réponses. »
Christoph : Le hibou n’est pas là.
Romaric : « Le hibou s’est transformé en pendule. À moins qu’il ne… (il hulule). »
(Rires)
Romaric : « J’essaye de parler son langage. »
Frédéric : « Mais il parlait le nôtre, en quoi est-ce utile ? »
Romaric : « Ma connaissance des animaux me pousse à croire que les animaux répondent mieux au cri instinctif de leur espèce qu’au langage des humains. Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent aurait pu transformer la sienne et lui offrir des atouts humains, pour autant il n’aura pas enlevé la substance qui fait de lui un hibou, sinon il ne serait plus un hibou, ça me semble logique. »
Frédéric : Celui qui donne des réponses dit : « Bien, je pense qu’il est temps de réparer cette horloge. »
(Frédéric utilise la médiation savoir-faire)
Frédéric : Celui qui donne des réponses s’appuie sur le balancier et essaye de lui imposer un mouvement contraire, comme sur une balançoire en utilisant le poids de son corps.
Romaric : « Vous allez arrêter le temps ! »
(Réussite parfaite)
Frédéric : « Donc, progressivement, il inverse le mouvement du balancier et les aiguilles de l’horloge qui n’arrêtaient pas de sautiller, d’avancer de deux crans puis de reculer d’un, d’une manière un peu étrange, se mettent à tourner à l’envers avec un bruit de…
Romaric : De ressort contredit…
Frédéric : Oui (imitation du bruit d’une horloge remontée) ! Alors, Celui qui donne des réponses et Celui qui draine la vie sont sur un bateau au milieu de la brume alors que la pluie tombe dru et que l’horizon est à peine visible.
Romaric : « Excusez-moi… vous disiez quelque chose ? »
Frédéric : « Oui, je disais que l’équipage était atteint d’un curieux mal. Je ne sais pas si vous vous en êtes rendu compte ? »
Romaric : « Mon père autrefois me racontait une histoire… »
Christoph : Celui qui rend les âmes à qui elles appartiennent s’empara de son sextant qui lui glissa des mains.
(Il lance les dés, utilisant la médiation intuition. C’est une réussite partielle, il sacrifie son unique point de couleur, il redevient donc un homme)
Christoph : Le sextant se brise au sol. L’homme qui se trouvait dans le phare proféra quelques insanités et attendit l’arrivée du bateau.
Frédéric (en profite pour justifier le point de couleur qu’il a gagné peu avant) : Le mouvement de balancier qu’il a effectué pour régler l’horloge a appris à Celui qui donne des réponses à mesurer le temps par lui-même.
(Les trois Peintres décident d’arrêter là le tableau d’un commun accord).
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